Jeudi 2 mars 2017
Article paru dans « L’AGEFI Hebdo »
Leur secteur bancaire stabilisé, les Européens se cherchent un modèle pour doter la monnaie unique d’une « capacité budgétaire ».
Après plus d’une année de travail sur sa « résolution sur la capacité budgétaire pour la zone euro » et un vote à l’arraché le 16 février à Strasbourg, l’eurodéputée Pervenche Berès se dit à la fois « très fière et très inquiète ». Fière parce que le Parlement est la première institution politique européenne à tenter d’assembler les pièces d’une union budgétaire, ce bloc qui manque, depuis l’origine, à la monnaie européenne. Inquiète parce que, reconnaît-elle, « nous ne sommes pas d’accord » entre nous.
Dépourvue de valeur législative, la résolution, préparée conjointement par la socialiste française et le député CDU Rainer Böge, a été conçue comme LA contribution du Parlement à ce qui promet d’être l’un des grands chantiers de l’Union européenne dans les deux ans à venir. Avec 304 voix pour, 255 contre et 68 abstentions, l’objectif initial de jeter les bases d’un compromis entre pays et entre partis n’a pas été atteint. A l’exception des Verts qui ont soutenu le rapport en bloc et des extrêmes unanimement contre, les partis ont voté en ordre dispersé, y compris au sein même de la plus grande des délégations nationales, celle de la CDU/CSU allemande.
Fourmillant d’idées, il juxtapose plus qu’il n’ordonne des éléments des deux modèles difficilement réconciliables autour desquels s’organisera le débat dans les mois à venir. D’un côté, un « modèle français », consent Pervenche Berès, qui comporterait un Trésor européen, dirigé par un ministre des Finances membre de la Commission européenne, et des ressources propres pour alimenter un budget placé sous le contrôle d’un parlement composé soit d’élus nationaux, soit des représentants des Dix-Neuf au sein de l’assemblée européenne. C’est celui défendu par le commissaire en charge de l’Euro Pierre Moscovici. On en retrouve aussi des traces dans les programmes des candidats à l’élection présidentielle Emmanuel Macron et Benoît Hamon.
De l’autre, un « modèle allemand » bâti sur la transformation du Mécanisme européen de stabilité en Fonds monétaire européen (FME) qui vise à « dépolitiser » la gestion des règles et des instruments de stabilisation de l’union monétaire. L’idée d’un FME capable d’assurer la faillite ordonnée d’un pays et sa mise sous tutelle, développée en 2010 par le ministre allemand Wolfgang Schäuble, pourrait donc ressurgir, mais avec des missions étendues. Depuis, l’introduction de la « flexibilité » dans l’application du Pacte de stabilité a convaincu le ministre allemand que la Commission européenne n’était plus en mesure d’assurer avec l’objectivité nécessaire la surveillance budgétaire et économique d’aucun des dix-neuf pays de la zone euro et souhaite transférer cette compétence et l’essentiel de la DG Ecfin de la Commission européenne vers l’institution présidée par Klaus Regling.
Pour les uns, le Mécanisme européen de stabilité deviendrait un organe communautaire, responsable devant le Parlement, et sa capacité d’emprunt serait « démultipliée », espère Pervenche Berès. Pour les autres, il fonctionnerait à l’écart des institutions politiques et opérerait selon des règles aussi « automatiques » que possibles.
Partage des risques
Sans jamais s’exprimer directement sur le rôle que pourrait y jouer l’institution qu’il préside, Klaus Regling multiplie les prises de position sur la future architecture de l’union monétaire, jugeant nécessaire la création d’une « capacité budgétaire » à des « fins de partage des risques ». En octobre à New York, il en avait même esquissé deux versions possibles : un « rainy day fund », sur le modèle de ce qui existe dans les Etats américains, ou un fonds « géré de façon centralisée dans le style du fond de réassurance chômage » auquel chaque Etat contribue, deux idées longuement débattues par les députés. Admettant le « réflexe défensif en Allemagne » qu’engendre une telle proposition, le président du MES a tenu à préciser récemment qu’« une capacité budgétaire limitée est possible sans mutualisation de la dette des Etats membres et sans transferts permanents futurs ». Un engagement qui exclut de facto la possibilité de gérer un tel fonds sous contrôle politique.
Le 25 mars, les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-Huit célébreront dans la capitale italienne les 60 ans du traité CEE. Cet anniversaire avait été annoncé après le référendum britannique comme un moment fondateur de l’Europe « post-Brexit ». Mais plus la date se rapproche, plus il devient évident qu’il n’en sortira rien de concret côté union monétaire. Si le président de la Commission de Bruxelles Jean-Claude Juncker doit quant à lui présenter un « paquet UEM » en mai, après les élections françaises, le véritable horizon de cette réforme reste les élections allemandes de septembre 2017. Or ni la CDU, ni les sociaux-démocrates allemands n’ont encore arrêté leur position.