L’euro est le socle sur lequel construire l’Europe de demain

Lundi 13 mars 2017

Tribune parue dans Alternatives économiques

Vingt-cinq ans après la signature du traité de Maastricht, l’architecture de la zone euro reste incomplète. La crise financière née aux Etats-Unis a transformé cette fragilité en une menace. Malgré les avertissements formulés dès sa conception, l’Union monétaire n’a jamais été équilibrée par une véritable Union économique. L’euro, équipé pour les temps calmes, a protégé les économies des fluctuations des taux de change, mais les a privées d’un instrument d’ajustement aux chocs. L’existence d’une monnaie commune sans véritable instrument contracyclique est une tare d’origine qui a aggravé les conséquences de la crise.

Dès 1970, le rapport Werner prévoyait pourtant qu’une Union monétaire viable nécessiterait que les budgets publics nationaux soient concertés, coordonnés. Au lancement de l’euro, la politique monétaire a été confiée à la Banque centrale européenne pendant que la politique budgétaire demeurait de la compétence de chaque Etat. Le traité stipulait cependant que « les Etats membres considèrent leurs politiques économiques comme une question d’intérêt commun ». L’expérience a montré toute la difficulté de mettre en œuvre une telle disposition.

Aujourd’hui, il y a urgence. Si nous voulons que l’euro tienne ses promesses en matière de stabilité, de convergence, d’investissement et d’emploi, il faut dépasser le stade de la coordination et doter la zone euro d’outils d’intervention spécifique. C’est l’intérêt de ses membres, de l’Union dans son ensemble, à un moment où la confiance entre les Etats, mais aussi celle des citoyens, vacille.

Le Brexit ne peut pas servir de prétexte pour attendre. Certains pensent que l’euro serait trop un sujet de division parmi les Vingt-Sept et qu’il vaudrait mieux progresser sur d’autres terrains comme la défense. Ce serait une erreur, il faudra certes avancer sur plusieurs fronts, mais la question de la monnaie unique ne pourra être repoussée car si l’euro venait à disparaître, c’est le marché intérieur et l’Union européenne elle-même qui se disloqueront. Or, les quinze premières années de son existence ont montré les limites de la seule coordination et du pacte de stabilité. La négociation à laquelle le Brexit contraint les 27 autres Etats membres doit au contraire offrir l’occasion de la clarification et de la refondation nécessaires sous le signe de la responsabilité et de la solidarité.

Pour un budget de la zone euro

L’examen des positions budgétaires agrégées des Etats membres de la zone euro en début de cycle annuel doit permettre de définir la répartition de l’effort d’investissement et là où existent des marges de manœuvre. Cette approche doit cependant aussi s’accompagner de la création d’un outil d’intervention commun, avec un budget de la zone euro dont la fonction serait triple. D’abord permettre la convergence économique, sociale et fiscale. Les disparités se sont en effet davantage accrues avant et depuis le déclenchement de la crise au sein de la zone euro qu’en dehors du fait notamment du pacte de stabilité qui mine les stabilisateurs automatiques et décourage l’investissement. La zone euro doit ensuite disposer d’un outil pour soutenir un Etat membre qui connaîtrait une difficulté particulière. C’est pour cela qu’a été créé, sur une base intergouvernementale, le mécanisme européen de stabilité qui représente 5 % du produit intérieur brut (PIB) de la zone euro. Cet outil devrait être intégré à la gestion budgétaire de la zone et servir de socle à la mise en place de stabilisateurs automatiques tels qu’une indemnité chômage minimum. Enfin, la zone euro devrait se doter d’un outil contracyclique de soutien à l’investissement.

Ce sont les propositions présentées dans le rapport que j’ai corédigé avec mon collègue chrétien-démocrate allemand, Reimer Böge, et que le Parlement européen a adopté le 16 février dernier. Pour que demain l’euro soit encore la monnaie des Européens, les dirigeants européens doivent s’en emparer. La période électorale qui s’ouvre dans plusieurs Etats membres, et en particulier en France, offre une opportunité pour porter cette feuille de route.

Pervenche Berès, députée européenne, porte-parole du groupe Socialiste et Démocrate à la commission Economique et monétaire

http://www.alternatives-economiques.fr/leuro-socle-lequel-construire-leurope-de-demain/00077958