07 novembre 2011
Invitée d’une rencontre du Cercle des Européens, l’eurodéputée Pervenche Berès est revenue pour nous sur les derniers mois de crise que vit l’Europe. Pour la parlementaire socialiste, « les dirigeants européens auraient du demander que soit réalisé un audit transparent sur les dettes souveraines européennes ». Elle regrette qu’un audit transparent sur les dettes souveraines européennes n’ait pas été réalisé au début de la crise.
Cercle des Européens : La recapitalisation des banques européennes, inspirée par le FMI, semble l’unique solution aujourd’hui… mais n’y a -t-il pas aussi un problème concernant l’assèchement de liquidités en dollar en Europe ?
Pervenche Berès : Avant d’évoquer la nécessité de recapitaliser les établissements bancaires européens, il faut rappeler que les plans de soutien aux banques mis en oeuvre à l’automne 2008 l’on été sans condition. Il eût été raisonnable d’empêcher les politiques inconsidérés de distribution de bonus aux agents dont chacun peut aujourd’hui évaluer la performance à l’aune de la crise actuelle… L’Etat doit désormais directement entrer au capital des banques et siéger à leur conseil d’administration.
Il faut aussi se souvenir des cris d’orfraie qui avait accueilli les propositions du FMI. L’assèchement des banques européennes en dollar illustre les limites actuelles de la coopération transatlantique et du G20. Il est assez paradoxal de voir l’Europe encore une fois impuissante devant la stratégie des grandes banques d’investissement américaines soutenues par la FED.
Cercle des Européens : Que pensez-vous de la proposition française de transformer le FESF en établissement bancaire et de la réaction allemande très négative à ce sujet ?
Pervenche Berès : La proposition allemande l’a peut-être emporté, mais il n’en reste pas moins que sans l’articulation du FESF aux liquidités de la Banque Centrale Européenne, aucune solution durable ne sera possible. Il est indispensable que soit reconnu à la BCE le statut de prêteur en dernier ressort.
C’est une défait politique incontestable pour le Président de la République, qui tout en étant soutenue par la Belgique, l’Espagne et l’Italie, n’est pas parvenu à faire évoluer la position allemande d’autant plus que la solution actuelle dépend largement de la capacité du gouvernement de M. Sarkozy de maintenir la notation triple A de la France.
Cercle des Européens : Nous venons d’assister à une quinzaine de sommets européens en quelques mois, sans grandes avancées dans cette crise. Si vous aviez été aux commandes, quelle mesure auriez-vous prise différemment ?
Pervenche Berès : Un principe fondamental aurait du prévaloir au cours de ces 18 derniers mois: préférer les réponses globales fondées sur une communication claire aux effets d’annonces et la dramatisation permanente. Sur le fond, la création d’une taxe de 0,05% sur les transactions financières aurait dû être mise sur la table dès le déclenchement de la crise afin de pénaliser les opérations purement spéculatives et assurer des ressources propres à l’Union européenne. La mise en uvre d’euro obligations aurait également permis d’alléger le fardeau actuellement supporté par les Etats incapables de se refinancer à des taux viables sur les marchés financiers.
Le plan de soutien aux banques à l’automne 2008 aurait du être assorti de conditions sur la distribution de bonus et de stock options, l’activité dans les paradis fiscaux, le nettoyage des produits toxiques et la distribution du crédit en particulier au PME. Les plans de relance du printemps 2009 auraient du être plus important, plus européens et financés par des obligations de l’Union.
Enfin, les dirigeants européens auraient du demander que soit réalisé un audit transparent sur les dettes souveraines européennes afin de déterminer ce qui relève de la dette résultant de l’action de ceux qui spéculent contre les Etats et les citoyens européens.
Cercle des Européens : Jamais l’Europe n’a été aussi régulatrice sur les marchés… Mais elle applique des accords comme Bâle III par exemple alors que les Etats-Unis en restent à Bâle I… Peut-on obliger nos partenaires du G20 à jouer avec les mêmes règles que nous ?
Pervenche Berès : La crise actuelle a démontré à quel point le renforcement des capitaux propres des établissements bancaires était indispensable et ce qui était hier ‘infaisable’ à savoir accepter un ratio de fonds propres de 9% est finalement validé par le Conseil europeen du 26 octobre. Une nouvelle fois, la puissance publique va devoir venir au secours des établissements bancaires, il est donc nécessaire que les banques apportent la preuve qu’elles ont la capacité d’assumer leurs responsabilités et, le cas échéant, d’assumer des pertes sur des investissements trop risqués ou inconsidérés. Il semblerait que les Etats-Unis soient aujourd’hui disposés à appliquer les recommendations de Bâle III, c’est en tout cas l’engagement que les autorités américaines ont pris. Cette démarche s’avère essentielle, c’était d’ailleurs le sens de l’une des propositions que j’avais défendues dans le rapport de la commission spéciale sur la crise du Parlement européen, dans lequel le Parlement européen appelait à ce que les accords de Bâle III fassent l’objet d’une ratification en tant que Traités internationaux.