Pervenche Berès, Newsring jeudi 19 avril 2012
A l’approche du premier tour de l’élection présidentielle, le Président de la République sortant, qui pendant 5 ans a voulu co-diriger l’Europe avec la Chancelière allemande conservatrice, a soudainement décidé à faire évoluer les statuts de la Banque Centrale européenne (BCE). Celui qui était le complice d’une stratégie prodiguant à nos partenaires européens les remèdes fondés sur la seule austérité, vient d’opérer un revirement tactique de dernière minute en s’inspirant des propositions portées par… François Hollande.
Il est étrange que le Président sortant ne s’intéresse aux modalités d’intervention de la BCE qu’à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle. Se souvient-il de ce que disait le candidat Sarkozy en campagne en mars 2007: «ce que fait la Réserve Fédérale américaine pour le Dollar, est-ce trop demander que la Banque Centrale européenne le fasse aussi ? Oui, en poussant l’Euro à la baisse pour obtenir un cours de change plus raisonnable». Dans l’exercice du pouvoir, il a ensuite manifestement oublié sa volonté de dire à la BCE ce qu’elle devait faire. Décrédibilisé par sa gestion des finances publiques, il s’est résigné à ne jamais soulever ce sujet lors des nombreux conseils européens «historiques de la dernière chance».
Au terme de 5 années d’un mandat marqué par un affaiblissement sans précédent de la voix de la France sur la scène européenne, affirmer que le soutien de la BCE aux objectifs de croissance et d’emploi «ne devait pas être un sujet tabou» ne doit pas faire illusion. Celui qui dit cela avait par avance renoncé à recherche un candidat ayant ce profil pour succéder à M. Jean-Claude Trichet. Les positions de principe énoncées dimanche dernier Place de la Concorde ne trompent plus personne; d’ailleurs, les vives désapprobations manifestées par certains en Allemagne et le Président de la BCE ont rapidement calmé les ardeurs du Président qui envoyait son fidèle «collaborateur» François Fillon préciser dès le lendemain sa détermination à ne pas exiger de changement de Traité pour modifier les statuts régissant actuellement les missions de la Banque Centrale Européenne.
François Hollande n’a pas attendu la veille de l’élection présidentielle pour développer sa conception du rôle de la BCE au sein du Pacte de croissance, de responsabilité et de gouvernance qu’il proposera à nos partenaires européens pour renégocier le Pacte budgétaire. Le duo conservateur franco-allemand, ultime rempart d’une orthodoxie monétariste surannée, préfère laisser les banques pratiquer des taux usuriers aux Etats européens en difficulté financière plutôt que de leur prêter directement. Une fois élu, François Hollande l’a dit: il ne s’interdira rien pour faire évoluer le mandat de la BCE au service de la croissance.