Président de l’Union: un bilan en demi-teinte. Tribune de Pervenche Berès

france 

Le Mardi 5 juin 2012

Le Conseil européen réunissant les chefs d’Etat et de gouvernement est depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne en 2009 doté d’une présidence permanente destinée à favoriser la continuité et la cohérence des sujets inscrits à l’ordre du jour européen.

Herman Van Rompuy, premier président permanent du Conseil, sera reconduit pour un second mandat le 1er juillet prochain par décision unanime des chefs d’Etat européens. Dresser un bilan de son mandat depuis le 1 er janvier 2010 nécessite d’examiner ses qualités personnelles et sa place dans le mécano institutionnel européen.

Lors des travaux de la Convention chargée d’élaborer le projet de Constitution qui a largement inspiré ce traité, un débat vif s’était engagé pour savoir si ce président permanent devrait être une ‘chairperson’ à la britannique ou un président à la française. Le premier titulaire du poste aura incarné la première conception. Quelques événements qui m’ont frappée en ce sens au cours de ce mandat.

A la veille de son entrée en fonction, il avait manifesté, en convoquant dès le 11 février 2010 un Conseil européen extraordinaire pour traiter de la gouvernance économique de l’Union, une vision claire des défis que devait affronter l’Union et la volonté de les relever. Cependant, l’explosion de la crise de la zone euro, du fait de la situation grecque, aura relégué au second plan cette réflexion de fond qu’il semblait vouloir proposer aux chefs d’Etat et de gouvernement. Depuis, un tel mandat avait semblé lui être confié lors du sommet de la zone euro le 10 mai 2010 où, après l’adoption du premier plan d’aide à la Grèce, il est chargé d’un groupe de travail sur le renforcement de la gouvernance économique. J’avais salué ce mandat comme une bonne nouvelle devant permettre de réunir des sages pour traiter des questions de fond restées en suspens depuis l’adoption du traité de Maastricht. Malheureusement il a fallu vite déchanter dès lors que ce groupe était composé des ministres des finances de la zone euro sous la menace d’une dégradation de la note de leur dette souveraine par les agences de notation de crédit. Au final, ce groupe aura servi à faire partager par tous les exigences de la chancelière allemande en échange du plan d’aide à la Grèce : l’inscription de l’interdiction des déficits dans les constitutions des États membres et la définition de sanctions macro-économiques très pro-cycliques qui visent à supprimer le bénéfice des fonds structurels aux pays qui ne respecteraient pas le Pacte de stabilité. Espérons que le nouveau mandat qui lui a été confié lors de la réunion informelle du 23 mai dernier, au lendemain de l’élection de François Hollande, ‘pour hisser l’union économique au niveau de l’union monétaire’ soit le bon !

Homme de compromis, Hermann Van Rompuy a démontré une habileté certaine reposant largement sur son expérience acquise en tant que chef de gouvernement belge à l’époque où il devait construire une coalition composée de partis aux orientations sensiblement différentes. Il n’a pas hésité à exprimer son désaccord à l’égard des propos tenus en février dernier par le Président de la Banque Centrale européenne Mario Draghi qui considérait que « le modèle social européen est mort », en soulignant notamment que les actions entreprises à l’échelle européenne visaient précisément à sauvegarder les fondements du modèle social européen. Dans le même esprit, lors du Conseil informel de l’EPSCO (ministres des affaires sociales et de l’emploi) à l’automne 2010, sous présidence belge, il avait formulé de fortes réserves quant à la pertinence des sanctions macro-économiques. Pourtant celles-ci sont introduites à la demande de la chancelière Merkel, au lendemain de l’adoption du ‘six pack’, dans les textes dont le Parlement européen et le Conseil débattent actuellement sans qu’il n’élève la voix.

Sur le plan institutionnel, comme le Président de la Commission européenne, il apparaît souvent comme le porte parole de ses deux grands électeurs, l’Allemagne et la France. Ainsi, lorsqu’après le sommet franco-allemand de Deauville en octobre 2010, ce même couple propose un pacte de compétitivité en février 2011 provoquant l’ire de leurs partenaires, il consacre toute son énergie à le recycler en un ‘Pacte euro plus’, feuille de route de la politique économique des Etats parties adoptée sans aucun débat parlementaire. Sous sa responsabilité, sont organisés plus d’une vingtaine de sommets « historiques » ou  » de la dernière chance » sans apporter de réponse crédible à la crise, comme en témoigne l’assistance financière fournie à l’Irlande et au Portugal. Ce Conseil trop occupé à suivre la cadence imposée par le duo Merkel-Sarkozy a volontairement ignoré les solutions préconisées par le Parlement européen, maintenu à l’écart de la discussion des textes fondamentaux au motif qu’il serait compétent sur la législation secondaire. La faiblesse du Président du Conseil réside ainsi dans sa difficulté à se départir d’une approche intergouvernementale sacrifiant l’utilisation de la méthode communautaire pourtant propice à l’émergence de compromis durables et efficaces. C’est sans doute pour cette raison que Jacques Delors a considéré que cette approche porte en germes le retour à des relations diplomatiques analogues à celle du Congrès de Vienne et favorisant le retour du nationalisme.

Ceux qui avaient rêvé d’une clarification doivent ainsi être déçus. Car son entrée en fonction a été marquée par une certaine rivalité, les optimistes diront une saine émulation, avec le Président de la Commission. Elle conduit à la ré-ouverture du débat, également présent lors de la Convention, sur la possible fusion des deux fonctions. Cette voie, que le traité de Lisbonne n’interdit pas, traduirait un renforcement considérable de l’exécutif européen tout en transformant la méthode communautaire. Cette confusion s’est accrue après le sommet du 8 novembre 2011 où la fonction de président des sommets des chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro a été ajoutée, fonction dont Herman Van Rompuy est pour l’instant titulaire, en complément de la fonction du président de l’eurogroupe.

Enfin, avec le Parlement européen, il a entretenu une certaine ambiguïté puisqu’initialement il estimait ne pas avoir de compte à rendre de compte à cette institution. Finalement il s’est inscrit dans une pratique qui le conduit à venir s’exprimer relativement souvent en plénière notamment après les conseils européens même s’il refuse d’apparaître devant tel ou tel commission parlementaire. Il n’en demeure pas moins que compte tenu de l’ordre du jour des sommets, la question du débat démocratique autour des conclusions ainsi adoptées pose un problème de contrôle démocratique.