Tribune de Pervenche Berès, Députée européenne et Estelle Grelier, Députée national
Cinq ans après le déclenchement de la crise financière, l’Union européenne demeure la seule zone économique du monde confrontée à la récession économique et au chômage de masse.
La brutalité de cette crise ainsi que sa durée font payer un lourd tribut aux sociétés européennes : plus de 26 millions d’Européens sont désormais sans emploi, plus d’un jeune sur deux en cherche un en Grèce et en Espagne, plus d’un jeune sur quatre en Italie et en France.
Fragilisée par l’ébranlement des structures économiques et sociales, la construction européenne est désormais directement menacée sur le plan politique comme en témoigne la progression inquiétante des candidats populistes et de l’extrême-droite dans de nombreux pays, adhérents récents ou fondateurs de l’Union.
Non au délitement de la cohésion communautaire
Nous refusons le délitement de la cohésion communautaire. Dès le premier jour de son élection, le Président de la République a engagé la bataille de la réorientation de la politique économique européenne. La tâche est rude : le Conseil européen, institution de l’Union réunissant les chefs d’Etat et de Gouvernement, est largement dominé par la droite conservatrice et même eurosceptique.
Angela Merkel et David Cameron persistent dans leur volonté idéologique d’imposer au budget européen un traitement de choc similaire à celui que les finances publiques subissent dans chacun des Etats membres de l’Union : « l’austérité sans fin », à laquelle François Hollande s’est fermement opposé tant à Strasbourg qu’à Athènes.
L’enveloppe budgétaire globale pour l’Union sur la période 2014-2020 a donc été réduite, sous l’impulsion de la droite européenne.
L’accord conclu au Conseil européen du 8 février sera soumis au vote du Parlement européen en juillet prochain.
Le Président de la République est parvenu à obtenir :
- la sauvegarde des outils de la solidarité, à travers le maintien du fonds européen d’aide aux plus démunis dont son prédécesseur avait signé l’arrêt de mort avec la Chancelière allemande ;
- le maintien des instruments permettant d’assurer l’accompagnement des travailleurs européens confrontés aux restructurations industrielles ;
- ou encore l’instauration d’une initiative pour l’emploi des jeunes européens à hauteur de 6 milliards d’euros.
Outre l’intérêt général européen, il a sauvegardé les intérêts français et démontré que l’on pouvait, tout à la fois, soutenir la PAC et la politique de cohésion, si souvent renvoyées dos à dos. Ce n’est pas rien, loin de là.
Le rôle du Parlement européen
Que peut et doit désormais faire le Parlement européen ? Sur le plan juridique, accepter ou rejeter l’accord dégagé au Conseil. Sur le plan politique, conditionner son vote à l’obtention de progrès réels en faveur de la croissance et de l’emploi et ainsi faire pression sur les dirigeants conservateurs.
Dans la situation actuelle, il faut être lucide, le Parlement européen ne sera pas un magicien : les partisans de l’austérité seront toujours en place dans les mois qui viennent.
En revanche, le Parlement européen peut -et doit- pleinement assurer son rôle de mécanicien : dans une Europe en panne économique, sociale et politique, les députés européens doivent mettre le Conseil face à ses responsabilités, en fixant des conditions fortes et publiques dans son examen du cadre budgétaire issu du Conseil européen.
Les parlementaires européens définiront le 13 mars leur position de négociation à l’occasion de la prochaine session plénière. Ils doivent obtenir des avancées significatives :
- prévoir une clause de révision obligatoire du cadre financier pluriannuel afin d’y apporter des modifications et ainsi tenir compte du résultat des prochaines élections européennes en juin 2014 et sortir du piège de l’austérité ;
- permettre au cours de l’exécution du prochain exercice budgétaire la réaffectation des crédits entre les différentes priorités budgétaires afin de faire pleinement jouer la plus-value du budget européen en utilisant de manière effective les moyens financiers disponibles ;
- exiger l’ajustement des crédits d’engagement (évaluation des besoins en dépenses) et des crédits de paiement (dépenses réelles) pour servir le projet européen en faveur de la croissance, l’innovation et l’emploi ;
- développer les ressources propres (taxe sur les transactions financières, taxe carbone européenne) pour asseoir dans la durée le financement des politiques de l’Union. Ainsi, les dirigeants européens cesseront d’endosser tous les sept ans les habits d’experts comptables uniquement focalisés sur la défense des égoïsmes nationaux, rôle dans lequel David Cameron excelle tristement ;
- sanctuariser la part du Fonds social européen à 25% minimum de l’enveloppe financière prévue pour la politique de cohésion et ainsi assurer le financement de la garantie jeunesse tout en maintenant les autres ambitions sociales.
En 2014, le Parlement européen sera renouvelé dans un contexte économique dégradé et de fortes tensions sociales.
Les Européens devront choisir : persister dans l’erreur idéologique de l’austérité ou impulser le changement d’orientation économique et social. Socialistes françaises, nous unissons nos légitimités européennes et nationales pour engager dès maintenant cette bataille d’une Europe qui affiche son ambition.