MEUNIER Marianne
Mercredi 26 juin 2013
La Croix
Pilier du Parlement européen, la présidente de la commission des Affaires sociales a joué un rôle pour sauver le programme européen d’aide aux plus démunis.
Pervenhe Berès n’a pas toute la douceur fleurie de son prénom. Il faut voir son index nerveux marteler la table à l’appui de son propos: « Être député européen, c’est aussi être capable d’aller chipoter le petit détail, le petit truc, au point, à la virgule », insiste-t-elle. Il faut aussi l’entendre lâcher un juron au téléphone pour avoir perdu un vote à une voix près. Un « pardon » à son collaborateur suivra, peut-être hérité de sa bonne éducation d’ancienne élève de l’École alsacienne, institution protestante et cossue du 6 arrondissement parisien.
On l’aura compris, Pervenche Berès, 56 ans, est sans fioritures. Sa longévité au Parlement européen, où elle a été élue pour la première fois en 1994, l’en dispense. La réputation de la socialiste française y est déjà faite: obstinée, habile en négociation – un savoir-faire utile au Parlement européen, où toute position résulte d’un compromis entre groupes politiques –, parfois tranchante. De cette netteté un peu brutale, mise au service d’un combat pour la taxe sur les transactions financières dès le début de la crise, ses collaborateurs ne lui tiennent pas rigueur. Ils saluent en elle une « bosseuse ». De gauche ou de droite, les militants de la cause européenne lui savent gré de rehausser le prestige de la fonction d’eurodéputé, salie par quelques parachutés plus friands de jetons de présence que de dossiers. L’ancienne étudiante à Sciences-Po admet quant à elle qu’elle n’est « pas obsédée par la communication, mais plutôt par le fait de bien faire son boulot ».
Ce « boulot » a un peu changé depuis qu’un autre socialiste a pris, en mai 2012, les rênes de l’État français et choisi de placer au ministère des affaires étrangères le mentor de Pervenche Berès: Laurent Fabius, dont elle est restée proche depuis qu’elle est entrée dans son cabinet quand il était au perchoir de l’Assemblée, en 1988 – quitte à partager son engagement contre le traité constitutionnel européen, en 2005. Depuis, celle qui, selon un membre de son entourage, « tutoie tout le PS sauf François Hollande », sensibilise le gouvernement sur les intrigues de Bruxelles et de Strasbourg. Ex-présidente de la commission des affaires économiques et monétaires, désormais à la tête de celle des affaires sociales, elle l’a alerté sur l’avenir compromis du Programme européen d’aide aux plus démunis. Menacé de disparition, ce fonds permettant d’apporter une aide alimentaire et matérielle aux plus pauvres a finalement été sauvé.
L’échange avec Paris est à double sens. En février, François Hollande n’a pas atteint son objectif lors de la réunion des dirigeants consacrée au budget de l’UE pour 2014-2020. Le président français a dû céder face à Angela Merkel et à David Cameron et accepter une enveloppe à la baisse. Il compte sur les eurodéputés socialistes – le Parlement doit approuver ou refuser le compromis, ce qui donne lieu à une négociation– pour récupérer en partie ce qu’il n’a pas obtenu. « Le mandat que nous avons reçu de lui, c’est, si vous pouvez faire mieux, allez-y », comprend Pervenche Berès.
Car c’est une occasion pour la gauche française, et même européenne, de montrer aux électeurs que la machine de Bruxelles peut être sociale. La démonstration a son importance à un an des élections européennes, en mai 2014, pour lesquelles le PS compte faire campagne pour une Europe « réorientée » vers l’emploi et la solidarité. Pervenche Berès en sera-t-elle? Elle laisse planer le doute sur une cinquième candidature en lâchant seulement qu’« il faut regarder toutes les options ».
La dimension sociale de l’Europe continuera de lui tenir à cœur, elle qui rappelle que « dans le traité sur le fonctionnement de l’UE, l’article 9 stipule que les politiques de l’Union doivent tenir compte de leur impact en termes d’emploi et de politique sociale ». « Je ne vois pas pourquoi ce principe ne s’applique pas aussi aux acteurs des marchés financiers », renchérit-elle. Pervenche Berès se dit « socialiste, européenne et française ». Et précise: « La hiérarchie, c’est celle-là. »
François Mitterrand: Pervenche Berès ne l’a rencontré que deux fois mais il est pour elle une source d’inspiration. Elle a pu entendre son dernier discours devant le Parlement européen, en 1995, et sa célèbre conclusion proclamée le poing serré : « Le nationalisme, c’est la guerre ». « Parce qu’il a fait gagner la gauche », « parce qu’il a su raconter l’histoire aux Français » et « parce qu’il a permis de franchir des étapes majeures de la construction européenne », l’eurodéputée socialiste a fait de l’ancien président français une référence, dont elle parle avec admiration.