Europolitique
23 September 2013
Eurodéputée depuis 1994 et présidente de la commission « emploi et affaires sociales », la française Pervenche Berès (S&D) espère bien continuer sa carrière dans les institutions européennes. Dans un entretien accordé à Europolitique, elle se déclare candidate pour un nouveau mandat au Parlement européen, voire même pour un poste de commissaire européen. Selon elle, il est essentiel de relever le niveau de l’actuelle Commission Barroso II. Elle estime, en effet, que José Manuel Barroso a « systématiquement barré la route à toute initiative significative en matière sociale » et ce, en dépit des leçons à tirer de la crise.
Quels sont les grands succès de la commission parlementaire « emploi et affaires sociales » ?
Nous avons bien travaillé. Je pense en particulier à deux textes législatifs importants au début de la mandature : le premier sur la mise en place d’une ligne de financement pour le microcrédit dans le cadre du programme pour l’emploi et l’innovation sociale, le second sur le temps de travail dans le transport routier. Sur ce dossier, la rapporteur défendait une approche libérale en proposant de sortir les indépendants du champ de la directive, mais nous avons mis ce projet en échec. Dans les choses qu’on a lancées, il y a toute notre contribution au débat économique. Il y a aussi les rapports sur la pauvreté, sur le revenu minimum puis toutes les initiatives en faveur de l’emploi des jeunes et la garantie des jeunes, parfois très critiques. Un autre grand moment fut l’adoption du rapport d’initiative d’Alejandro Cercas sur les restructurations des entreprises, même si ça n’a pas encore abouti à des résultats.
Pourquoi n’y a-t-il pas eu davantage de résultats ? Est-ce la faute de la Commission européenne ?
Je pense que, d’une manière générale, il y a eu un problème au plus haut niveau de la présidence de cette Commission, qui a systématiquement barré la route à toute initiative significative en matière sociale. Le commissaire en charge de l’emploi et des affaires sociales, Laszlo Andor, est volontaire : il l’a montré dans les premiers jours de la Commission, notamment dans le débat sur la stratégie UE2020, lorsqu’il s’est battu pour y inclure un objectif de pauvreté. Mais il n’a pas suffisamment de marge de man uvre. Plusieurs dossiers en témoignent : que ce soit en matière de temps de travail, de santé et de sécurité au travail, des troubles musculo-squelettiques, etc., il n’y a eu aucune avancée. Sur les restructurations d’entreprises, il n’y en aura pas non plus. Business Europe a pour l’instant été plus fort que nous !
Êtes-vous candidate pour un cinquième mandat en tant qu’eurodéputée ?
Oui.
Quels sont vos attentes à court et à plus long terme ?
J’attends une communication forte sur la dimension sociale de l’Union économique et monétaire (UEM), notamment sur les indicateurs sociaux. J’attends aussi le lancement d’un livre vert sur l’introduction d’une assurance-chômage européenne. Le Parlement a déjà exprimé son intérêt sur cette question : il a organisé une première audition publique sur ce sujet, a mobilisé une étude sur la valeur ajoutée des politiques européennes pour examiner cette question et a proposé le financement d’un projet pilote pour examiner la faisabilité d’une telle assurance. On a été très cohérent.
Pour le reste, je pense que la prochaine mandature aura rendez-vous avec la question sociale. La crise a eu un impact en termes d’accroissement des inégalités et de fragilisation des populations les plus vulnérables. L’Europe sera obligée de s’en occuper, d’autant qu’elle est jugée responsable de l’aggravation des inégalités et de la dégradation de cette situation.
Pour ça, il faut un président de Commission fort, avec des commissaires forts. On parle de vous comme futur membre du collège, qu’en pensez-vous ?
Oui, c’est une bonne idée ! C’est l’intérêt de la France. Quand on regarde les grands enjeux, c’est soit un portefeuille lié à la politique étrangère, soit un portefeuille autour de l’économie et du social au sens large. Or je pense avoir un certain bagage pour exercer cette fonction : j’ai été présidente de la commission économique et monétaire, puis de la commission des affaires sociales, j’ai aussi rédigé le rapport « crise » entre-temps.
Quel serait votre portefeuille de prédilection?
Ce n’est certainement pas à moi de le définir. Mais ça pourrait être autour de ce paquet large de l’économie, du social et des marchés financiers. Après, je ne revendique rien. Je suis candidate parce que je pense que ça a un sens, c’est tout!