Ils ont dit oui ! Malgré les psychodrames des derniers jours, les députés européens ont approuvé, le 20 novembre à Strasbourg, les règles relatives aux Fonds structurels 2014-2020. Soit comment se partager et dépenser une enveloppe de 325 milliards d’euros au cours des sept prochaines années (lire encadré). Un vote acquis à une confortable majorité (479 voix pour, 126 contre et 85 abstentions). Mais qui doit sans doute tout à la procédure qui a été choisie. Car il n’a pas été possible pour les députés de se prononcer sur les amendements déposés en plénière. Pour pouvoir le faire, ils auraient d’abord dû rejeter en bloc le compromis conclu si difficilement avec le Conseil. Le bébé avec l’eau du bain en quelque sorte. Ils n’ont pas osé. Dès lors que le compromis était adopté, tous les amendements déposés devenaient caducs. Avec cette procédure, il était impossible pour les députés de se prononcer plus spécifiquement sur les deux points qui ont tenu en haleine ces dernières semaines : la macro-conditionnalité (qui pourra aboutir à une suspension des paiements en cas mauvaise gouvernance économique, notamment en cas de déficit budgétaire excessif) et la part du budget à réserver au Fonds social européen (ce sera 23,1 % de l’enveloppe totale et non 25 % comme le voulait la commission des affaires sociales). Jusqu’au bout – c’est-à-dire encore quelques minutes avant le vote – les députés qui s’opposaient au compromis sur ces points (en pointe : les Verts et Pervenche Berès, la présidente de la commission des
affaires sociales) ont tenté d’inverser le cours des choses (« procédure anti-démocratique », « inacceptable, « non-respect du droit des députés »).
Rien n’y a fait, la chose avait été décidée en conférence des présidents l’avant-veille et cela montre bien la crainte que suscitaient ces amendements. N’empêche, la procédure est assez inhabituelle… d’autant qu’en commission du développement régional, la présidente Danuta Hübner avait refusé le dépôt d’amendements sous prétexte qu’il serait toujours possible de le faire en plénière. On voit ce qu’il en fut.
LES NOUVELLES RÈGLES
Les votes du 20 novembre concernent un paquet de six textes : le règlement général qui définit les grandes orientations de la future politique de cohésion, et les cinq règlements spécifiques : FEDER, Fonds social européen, Fonds de cohésion, coopération territoriale et groupements européens de coopération territoriale (GECT). Par rapport à aujourd’hui, ils obligent à davantage concentrer les aides sur un nombre restreint de priorités, comme la lutte contre le changement climatique, l’économie de la connaissance, le soutien aux PME ou la recherche et développement. Environ 100 milliards d’euros seront affectés à ces secteurs, dont au moins 23 milliards soutiendront spécifiquement l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables, a calculé la Commission.
Pour la première fois également, des conditions « ex ante » devront être respectées par les Etats avant de pouvoir recevoir les aides (respect des législations environnementales, adoption de stratégie de « spécialisation intelligente », etc.). L’idée, c’est que ces aides soient versées dans un contexte favorable à leur bonne utilisation. Un « cadre de performance » a aussi été défini pour faire en sorte que les milliards versés se traduisent en résultats mesurables et donc couper court aux critiques récurrentes sur l’efficacité de la politique de cohésion. Pour encourager les Etats à faire bien, une partie des dotations – 6 %, c’est la réserve de performance – sera mise de côté et redistribuée en 2019 aux programmes et priorités qui ont atteint des objectifs définis préalablement avec la Commission. Une sorte de bonus pour les bons élèves, même si les opposants y voient surtout une incitation à ne pas définir des objectifs ambitieux, histoire de ne pas passer à côté du bonus.
Et puis il y a la macro-conditionnalité. Au débat en plénière, c’est encore d’elle dont on a le plus parlé. Les rapporteurs ont eu beau affirmer qu’ils avaient arraché le maximum au Conseil pour limiter le risque de suspension des aides et associer le Parlement à la procédure, c’est véritablement LE sujet qui crispe. « Ce mécanisme aura de terribles conséquences », prédit Elisabeth Schroedter (Verts, Allemagne). « C’est une épée de Damoclès pour les régions, qui ne pourront pas se servir de ces fonds pour négocier avec les banques. » Pour sa collègue Karima Delli (France), la politique de cohésion en deviendrait « un outil de sanction, décourageant l’investissement à long terme ». Un langage que l’on a beaucoup entendu ces dernières semaines et qui fait aussi oublier un autre aspect de la macro-conditionnalité : à côté des possibles sanctions, le compromis prévoit aussi la possibilité d’augmenter les paiements aux Etats qui connaissent des difficultés budgétaires temporaires, grâce à une augmentation des taux de cofinancement. Une mesure qui doit permettre aux Etats et régions en difficulté de ne pas être bloqués dans leur programmation en raison de liquidités insuffisantes pour cofinancer les projets.
Le partage du gâteau :
Les 325milliards d’euros de la politique de cohésion – exactement 325.145.694.739 euros – seront partagés comme suit:
– 52,45% – un peu plus de 164milliards d’euros – pour les régions moins développées (PIB sous les 75% de la moyenne de l’UE)
– 10,24% – environ 32milliards – pour les régions en transition (PIB entre 75 et 90% de la moyenne UE)
– 15,67% – environ 49milliards – pour les régions plus développées (PIB supérieur à 90% de la moyenne UE)
– 21,19% – un peu plus de 66milliards – pour les Etats bénéficiant du Fonds de cohésion (dont le revenu national brut est inférieur à 90% de la moyenne UE)
– 0,44% – environ 1,3milliard – comme financement supplémentaire pour les régions ultrapériphériques et celles très faiblement peuplées de Suède et Finlande.