La Croix
27 novembre 2013
Un appel de László Andor, commissaire européen chargé de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion, Pervenche Berès, présidente de la commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen,Yves Leterme, secrétaire général adjoint de l’Organisation de coopération et de développement économiques, Henri Malosse, président du Comité économique et social européen.
Du point de vue technique, la récession de la zone euro est derrière nous. Mais beaucoup reste à faire pour garantir une relance durable et assurer des bases solides à l’Union économique et monétaire (UEM).
La relance économique naissante est le fruit de réorientations stratégiques : la Banque centrale européenne a franchi le Rubicon en 2012, et la perspective d’une union bancaire a aussi contribué à juguler l’effet de panique. En outre, le ralentissement de l’assainissement budgétaire observé cette année et les augmentations salariales limitées outre-Rhin ont permis un léger accroissement de la demande intérieure.
La relance reste cependant fragile et inégale, et elle ne crée pas d’emplois. La rendre durable, équilibrée et génératrice d’emplois exige une nouvelle approche.
La dimension sociale, une question clé pour l’avenir de l’Europe
Deux problèmes fondamentaux ne sont toujours pas résolus : comment l’UEM peut-elle faire face à la fois à la cyclicité et à l’asymétrie ?
Les profonds déséquilibres financiers ainsi que le caractère inégal de la relance ont précipité l’Europe dans une seconde récession en 2011. Les récents fléchissements économiques ont, à leur tour, déséquilibré encore plus une zone euro déjà asymétrique : les pays et populations riches ont tiré leur épingle du jeu, tandis que les plus pauvres se sont trouvés pris au piège ou ont sombré dans l’endettement. L’intégrité de la zone euro a été préservée au prix de lourds sacrifices sur le plan du revenu réel des ménages, du chômage, de la pauvreté et des inégalités.
Ignorer ces problèmes pourrait susciter un excès de confiance que les Européens risquent de payer au prix fort, une fois de plus. C’est pourquoi la « dimension sociale » de l’UEM n’est pas une préoccupation abstraite, mais une question clé pour l’avenir de l’Europe.
Un salaire minimum allemand dans tous les secteurs
Comment, en effet, les pauvres et les sans-emploi d’Europe, ainsi que la jeune génération des pays de la périphérie, pourraient-ils contribuer à un avenir économique viable si, de leur côté, les gouvernements sont contraints de réduire les investissements et la protection sociale pour pouvoir rembourser des taux d’intérêts élevés sur la dette, et alors qu’il est exclu de recourir à la dévaluation de la monnaie ou de laisser filer l’inflation ?
Les pays en déficit se heurtent non seulement à l’urgence sociale générée par la longue récession mais aussi au ratio dette/PIB qui ne s’est pas amélioré. Il est urgent de réexaminer cette question afin de créer, dans ces pays, un climat favorable aux investissements et à la croissance. Les pays excédentaires doivent eux aussi prendre un nouveau départ. Heureusement, la coalition naissante en Allemagne a l’intention d’investir davantage dans les infrastructures et de mettre en place un salaire minimum dans tous les secteurs. Cette dernière mesure permettrait d’améliorer la vie des travailleurs pauvres en Allemagne, mais aussi de renforcer la demande intérieure dans l’ensemble de l’Union.
Nous devons corriger les déséquilibres du passé et améliorer la conception de l’UEM, mais il faut aussi faire beaucoup plus pour soutenir l’emploi.
Taxer les plus-values élevées et réduire l’évasion fiscale
Les gouvernements devraient enfin mettre en œuvre un principe pourtant éprouvé, celui de l’allégement des impôts et des cotisations sociales sur les bas salaires. Malheureusement, ce « coin fiscal » augmente dans la majeure partie de l’Europe depuis 2010. Dans un contexte où les inégalités augmentent, les gouvernements feraient bien mieux de taxer les plus-values élevées et de réduire l’évasion fiscale, plutôt que d’appliquer une fiscalité du travail trop imposante, et considérée comme une source de recettes a priori stable. Les temps ont changé.
La mise en œuvre rapide de la « garantie pour la jeunesse » est toute aussi cruciale. Les mesures facilitant l’insertion des jeunes sur le marché du travail constituent une réforme structurelle indispensable et un investissement vital.
Promouvoir activement l’emploi
Nous avons maintenant un accord sur le budget européen, avec des règles améliorées. Les gouvernements doivent l’utiliser de façon stratégique, en se concentrant sur le capital humain et le développement des entreprises. Les décisions d’investissement proprement dites sont prises dans les capitales nationales et régionales.
Nous ne pourrons parler d’une relance solide et d’une union monétaire à visage humain que lorsque l’économie de l’Union créera de 200 000 à 300 000 emplois par mois. Notre seule chance d’y parvenir est de combler le fossé « centre-périphérie » et de promouvoir activement l’emploi. Faute de nouvelles mesures ambitieuses, la stabilité et la prospérité de l’Union resteront précaires.