SEPTEMBRE • SEPTEMBER 2014 # 101 | PARISBERLINMAG.COM | 52
C O N S T R U I R E • O P I N I O N
Pour l’eurodéputée Pervenche Berès, l’Europe a été le moteur de la lutte contre le changement climatique, elle doit désormais marquer l’essai en engageant une politique de croissance qui s’appuie sur la transition énergétique. Ce texte est une version abrégée d’une tribune publiée initialement sur Euractiv.fr
La crise ukrainienne nous le rappelle cruellement et brutalement: la politique énergétique de l’Europe n’est pas seulement essentielle pour mener la bataille contre le changement climatique, fondamentale pour notre capacité à innover, à inventer la transition écologique, elle est aussi un enjeu géostratégique majeur. Elle a été malheureusement délaissée pendant trop longtemps, si bien qu’aujourd’hui la somme des politiques énergétiques nationales des États membres de l’Union nous affaiblit plutôt qu’elle ne nous renforce.
Pourtant, en 2007, l’Union européenne se posait en leader mondial de la lutte contre le réchauffement climatique, mais après les négociations ratées de Copenhague, l’absence d’une stratégie industrielle d’appui et l’effondrement de notre marché des droits d’émission de CO2, force est de constater que nous ne sommes plus suffisamment moteurs sur ces questions.
Réponse urgente et déterminée
Pendant ce temps, le monde avance. Les États-Unis deviennent exportateurs nets d’énergie grâce à une nouvelle révolution hydrocarbure. La Chine, qui reste l’un des plus grands pollueurs, développe une industrie de premier plan en matière d’énergies renouvelables.
Cet état de fait appelle une réponse urgente et déterminée. La prochaine Commission européenne devra engager la transition écologique.
Elle est une composante essentielle et stratégique de la réorientation européenne que prônent le président de la République française, François Hollande, et les progressistes.
Cela nécessite d’en faire le fil conducteur d’une stratégie d’investissement au service d’un nouveau modèle économique soutenable et d’œuvrer concomitamment dans trois grandes directions.
Parce que nous sommes interdépendants, nous devons opérer collectivement nos choix en matière d’énergie sur la base d’une vision commune des besoins et d’une plus grande solidarité, permettant l’indépendance énergétique du continent. C’est le fondement de la Communauté européenne de l’énergie que nous devons lancer.
Aujourd’hui, chaque État membre est responsable de son mix énergétique et de sa sécurité d’approvisionnement. Ce système est à la fois coûteux et inefficace, alors que l’indépendance énergétique Del ‘Europe est atteignable d’ici la fin de la mandature qui s’ouvre, si nounous en donnons les moyens. Une concertation en amont, ainsi que des choix stratégiques collectifs doivent être faits pour établir au niveau communautaire et de chacun des États, les choix énergétiques ordonnés dans le temps et cohérents au sein des États membres de l’Union et de nos partenaires et voisins.
Pour cela, il sera nécessaire de repenser radicalement, d’une part, les interconnexions européennes en matière d’électricité et d’hydrocarbures et les choix technologiques que nous faisons. L’Union doit devenir la championne de la diversification dans les énergies renouvelables.
Enfin, nous ne pouvons ignorer que nous ne sommes pas tous également dotés en matière énergétique. Ceci implique une logique solidaire et inclusive, car un réseau est déterminé par la force de son maillon le plus faible. Aussi, la production, autant que les infrastructures essentielles doivent être gérées avec un horizon européen.
Cette Communauté de l’énergie est un projet qui a le potentiel de redéfinir en profondeur le fonctionnement de notre Union et d’être un moteur d’intégration aussi puissant qu’a pu l’être la CECA en son temps.
Cette Europe de l’énergie doit également nous permettre de fixer des objectifs ambitieux et contraignants en matière d’efficacité énergétique.
Nous devons pour cela créer des normes strictes et des mesures incitatives, dans un environnement législatif stabilisé, pour mener à bien ces objectifs.
Nous devons également employer tous les efforts de notre “diplomatie climatique”, afin que la conférence 2015 de l’ONU sur le climat débouche, à Paris, sur un accord mondial de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. L’Union européenne doit pouvoir entraînera plupart des pays du monde à relever le défi climatique. Ce sera le premier test majeur pour la nouvelle Commission.
Investissements et compétitivité
Enfin, l’énergie et la transition écologique sont les gages de notre compétitivité et les vecteurs du renouveau économique. En agissant ainsi, la prochaine Commission pourrait retrouver pleinement a sa valeur ajoutée, celle qui relance lorsque beaucoup d’États veillent l’équilibre de leurs finances publiques. Elle doit surtout permettre lefinancement de ces investissements cruciaux en mobilisant tous lesmoyens existants, publics (fonds structurels, BEI) et ressources privées, y compris en mobilisant et en orientant l’épargne des Européens ou les ressources des investisseurs de long terme (fonds de pension, assurances). Le président de la Commission, Monsieur Juncker, a d’ores et déjà indiqué sa volonté de mettre sur pied un plan d’investissements de près de 300 milliards d’euros. L’énergie et l’environnement devront être au cœur de cette initiative.
La logique des “champions nationaux” doit, grâce à une politique de concurrence équilibrée, assurer que, sans nuire à la compétition au sein de l’Union, nous serons capables de faire émerger de véritables champions européens et leaders mondiaux.
Triple défi
C’est à ces conditions que la bataille de cette nouvelle révolution industrielle, source pour demain de richesse, d’emplois et de bienêtre, pourra être remportée. Elle permettra une stabilité et un contrôle des coûts énergétiques bénéfiques pour toute l’Europe.
Seule, cette transition permettra de répondre à la fois au triple défi environnemental, économique et social auquel l’Europe est confrontée, de favoriser son indépendance et sa sobriété énergétique et Del ‘armer face aux enjeux géostratégiques qui bouleversent le monde.
L’Union ne doit pas rater ce rendez-vous et je suis déterminée à jouer le plus grand rôle possible. C’est le meilleur moyen de redonner du sens à la construction européenne pour restaurer la confiance des Européens. •
Par Pervenche Berès,
Présidente de la délégation socialiste française au Parlement européen.