UEM : « résoudre les problèmes sans modifier les traités »

EUROPOLITICS – 25 mars 2015

Entretien avec l’eurodéputée Pervenche Berès (S&D, France)

Propos recueillis par Jorge Valero

Pervenche Berès (S&D, France) a sur son bureau les 820 amendements soumis par ses collègues à son projet de rapport sur « l’examen du cadre de gouvernance économique: bilan et enjeux ». Elle a déjà rédigé 44 compromis, et admet qu’il reste beaucoup à faire pour recueillir une majorité en faveur de ce rapport qui sera soumis à la plénière d’avril.

Votre rapport sera-t-il sensiblement modifié par les amendements ?
Je devrai tenir compte de certaines demandes et idées des groupes sinon il n’y aura pas de rapport. Il reste des divergences sur le diagnostic de la crise, ce qui est un problème crucial. Certains députés pensent que la situation actuelle découle des règles elles-mêmes, alors que d’autres estiment que la pagaille actuelle est due à une application insuffisante des règles en vigueur. Pour arriver à un compromis je devrai trouver les arguments pour justifier que nous avons besoin de règles qui assurent un terrain d’entente, mais nous avons aussi besoin d’autre chose. De plus, certaines règles devraient être réexaminées, par exemple, la viabilité de la dette (règle du 1/20).

Que proposez-vous sur les critères de la dette ?
C’est une question cruciale, mais je doute de réussir à obtenir une majorité sur ce point. La situation actuelle n’a rien à voir avec ce que l’on pouvait prévoir à l’époque où le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) et même le ‘six-pack’ ont été élaborés. Actuellement, nous sommes confrontés à un faible taux d’inflation, à des taux d’intérêt bas et à un taux de chômage élevé. Nous devons réfléchir à la manière dont les règles opèrent dans ce type d’environnement. Nous devons plus particulièrement nous pencher sur les critères de la dette.

Sylvie Goulard (ADLE, France) a proposé d’impliquer la Cour européenne de justice. Qu’en pensez-vous ?
Cette idée impliquerait une modification des traités et, dans la situation actuelle, la prudence est de mise quand on demande ce genre de mesure. Je ne suis pas certaine que les conditions politiques existent, non seulement en raison de la composition du PE mais aussi en raison de l’état d’esprit qui règne dans les Etats membres. Nous devons toutefois nous préparer à une modification des traités parce qu’il faudra y venir un jour ou l’autre.

Certaines de vos propositions appellent à un réexamen de la législation primaire, incluant un budget pour la zone euro. Allez-vous écarter ces idées ?
Outre le rapport des quatre présidents, qui portera sur un tableau plus large, le défi consiste à résoudre les problèmes actuels sans modifier les traités. Cela ne se fera pas du jour au lendemain. La capacité budgétaire de la zone euro va de pair avec la mutualisation de la dette (même si je sais qu’aujourd’hui un débat sur les euro-obligations est une provocation), et l’assurance-chômage européenne.

Quels sont les progrès possibles sans une modification des traités ?
La dimension inexploitée est le réexamen du ‘two-pack’ et du ‘six-pack’.A ce jour, les propositions dans ce domaine portent sur l’augmentation du contrôle démocratique et la rationalisation du Semestre européen. Voulez-vous suivre cette direction ?
C’est du bla-bla. Je mets l’accent sur quatre propositions. Aujourd’hui, la gouvernance économique signifie que nous n’avons que des règles. La seule exigence de Bruxelles est de respecter le seuil de 3% du PIB. C’est stupide. Au début du processus, il nous faut non seulement un diagnostic mais aussi une distribution des tâches au niveau européen.

Voulez-vous parler d’une position budgétaire pour l’ensemble de la zone euro ?
Oui exactement, au moins un débat sur la position budgétaire au début et pas à la suite du processus.

On peut s’attendre à ce que le débat consistera à convaincre l’Allemagne, et quelques autres, à augmenter les investissements. Sera-ce possible ?
Au bout du compte, l’Allemagne paie aujourd’hui, mais dans les pires conditions et parce qu’elle se sent contrainte. Il est préférable que l’Allemagne soit une partie prenante des discussions dès le début. En outre, le gouvernement allemand aura plus d’influence sur les autres s’ils font leur part. Mais quelqu’un devra trouver les bons arguments pour convaincre Berlin.

Quelles sont les autres propositions ?
La deuxième est de simplifier le processus pour les Etats membres en rassemblant les recommandations spécifiques par pays et les recommandations liées à la procédure pour déficit excessif. La troisième proposition concerne les réformes structurelles et comment garantir une appropriation adéquate des réformes. J’ai la conviction que si nous avons un débat sur la position budgétaire globale qui tienne compte du point de vue de tous, les Etats membres se sentiront responsables quant à la mise en œuvre des réformes structurelles au niveau national. La quatrième proposition vise à faire de la procédure de correction des déséquilibres macroéconomiques, un outil pour un débat intelligent sur la politique économique. A cet égard, j’aimerais que les conseils budgétaires nationaux indépendants puissent participer en tant que réseau pour éclairer ce débat.

Jorge Valero

Journalist

Economy-Euro

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