Une directive européenne « fait référence aux lanceurs d’alerte pour première fois »

Lundi 25 avril 2016
Tribune commune parue dans Le Monde

Gianni Pittella, eurodéputé et président de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates ; Pervenche Berès, eurodéputée et présidente de la délégation socialiste française ; Sergio Cofferati, rapporteur du Groupe S&D de la directive secrets d’affaires ; Udo Bullmann, eurodéputé et président de la délégation du SPD ; Virginie Rozière, eurodéputée et membre de la commission des affaires juridiques ; Tanja Fajon, eurodéputée et vice-présidente du Groupe S&D chargée de la communication, ancienne journaliste ; Evelyn Regner, eurodéputée autrichienne, coordinatrice du Groupe S&D de la commission des affaires juridiques; Eugen Freund, eurodéputé autrichien, ancien journaliste vedette de la télévision publique autrichienne (ORF) ; Dietmar Köster, eurodéputé allemand, membre de la commission des affaires juridiques ; Evelyne Gebhardt, eurodéputée allemande et coordinatrice de la commission du marché intérieur

La semaine dernière à Strasbourg, le Parlement européen a voté la directive sur le secret des affaires. Dans le sillage des scandales « Panama papers » et « LuxLeaks », ce vote a reçu une large publicité dans les médias et les réseaux sociaux, surfant sur la crainte que la nouvelle loi pourrait entraver le travail des lanceurs d’alerte et remettre en cause celui des journalistes d’investigation.

Nous avons partagé les mêmes réserves lorsque le texte a été proposé à l’origine par Michel Barnier, alors commissaire européen chargé du marché intérieur. Mais, après une longue période de négociations, nous avons obtenu un accord qui clairement protégera ceux qui révèlent au grand jour des activités douteuses ou hors la loi. C’est pourquoi nous avons voté ce texte sans céder à la désinformation et à la démagogie. Nous sommes restés fidèles aux améliorations que nous avons obtenues.

Nous devons être très clairs : les lanceurs d’alerte et les journalistes sont expressément exclus du champ d’application de cette loi. L’exception s’applique non seulement à ceux qui révèlent au grand jour une activité illégale, mais aussi à ceux qui exposent une faute ou un acte répréhensible, à condition qu’ils agissent dans l’intérêt public général. Ces exceptions ont été discutées avec Reporters sans frontières (RSF), la Fédération européenne des journalistes (FEJ), toutes les fédérations européennes des éditeurs de presse (EMMA et ENPA) et l’Union européenne de radiodiffusion (EBU).

D’autres étapes attendues

C’est la première fois qu’il est ainsi fait référence aux lanceurs d’alerte dans une directive européenne. C’est un pas en avant, il exigera d’autres étapes. Lorsque ceux qui dénoncent des pratiques douteuses sont davantage susceptibles d’être poursuivis que ceux incriminés, cela montre des failles dans nos systèmes juridiques.

Actuellement, seuls cinq Etats membres disposent d’une législation spécifique qui assure la protection des lanceurs d’alerte, et pis, sept Etats membres n’offrent absolument aucune protection. Cela doit changer. Nous avons demandé à la Commission européenne d’agir et de présenter de nouvelles propositions visant à protéger les lanceurs d’alerte à l’échelle de l’Union européenne (UE).

Cette demande figure parmi les principales recommandations de la commission spéciale mise en place par le Parlement européen au lendemain de l’affaire LuxLeaks et adoptées les 25 novembre 2015 à une très large majorité (508 pour, 108 contre et 85 abstentions). Les dernières révélations des « Panama papers » n’ont fait que renforcer l’urgence d’une telle mesure.

Une colère salutaire

En tant que gauche européenne, nous devons maintenant être unis pour faire en sorte que la colère autour des affaires « Panama papers » et « LuxLeaks » soit mise à profit pour créer un véritable changement. Nous avons besoin que tous ceux qui ont joué un rôle actif pour contester et corriger la directive sur les secrets d’affaire concentrent leur énergie sur sa bonne mise en œuvre.

Tous ceux qui croient qu’il est moralement inacceptable que les riches puissent effectivement choisir si et où ils veulent payer leurs impôts doivent unir leurs forces pour créer le changement. Une directive pour les lanceurs d’alerte sera une nouvelle étape dans ce combat que nous menons sans relâche.

Le lien vers le site du journal Le Monde