TTIP/TAFTA : un projet qui pourrait ne jamais aboutir

Lundi 2 mai 2016

Débats – L’Humanité

Le journal l’Humanité a récemment consacré ses pages « Débats et controverses »  à la question : « Existe-t-il une chance aujourd’hui d’enterrer le traité transatlantique (TAFTA)? » . Ci-dessous ma contribution.

Les eurodéputés socialistes et radicaux n’ont jamais été des partisans acharnés ou des opposants par principe au partenariat transatlantique, pour une raison simple : comment être pour ou contre un traité qui n’est pas écrit ?

Pour nous, le principal enjeu du commerce international au XXIème siècle est celui du juste échange. Celui qui permet d’œuvrer pour une mondialisation encadrée par des règles, solidaire et respectueuse de notre planète, différente en tous points de la mondialisation sauvage que nous subissons depuis 30 ans.

Avec 500 millions d’habitants, nous sommes convaincus que l’Union européenne dispose d’une force de négociation considérable afin de faire prévaloir les normes actuelles et futures comme condition d’accès à son marché. Elle doit en user afin de promouvoir des normes mondiales conformes à ses valeurs, sans fragiliser ses préférences collectives ou ses intérêts légitimes. Elle doit refuser l’équation selon laquelle le libre-échange est bénéfique partout, pour tous, tout le temps et à n’importe quel prix : l’Union européenne ne doit pas conclure d’accord commercial contraire aux intérêts des citoyens, des salariés et des consommateurs, ni ici ni ailleurs.

C’est avec cette conviction que nous nous sommes inscrits dans la négociation afin de peser sur le contenu et de juger, à la fin du processus, si l’accord est un progrès ou un recul.

A force de batailler, nous sommes en passe d’enterrer l’arbitrage privé dans le cadre du règlement des différends entre États et investisseurs – le fameux ISDS ou RDIE. Cependant, au-delà de cette première victoire, nous continuons de nous interroger sur le bien-fondé d’un tel accord. Au bénéfice de qui ? Citoyens européens ou multinationales américaines ? Croissance en Europe ou croissance aux États-Unis ? Quid des normes sociales, environnementales et sanitaires, et de la protection des données personnelles? Quid des savoir-faire, de la protection des AOC et AOP ? Cette bataille sur le « contenu » est, à nos yeux, la plus importante.

Alors que les négociations avancent, nous commençons à pouvoir juger le TTIP/TAFTA : force est de constater, qu’à ce stade, le verre est nettement plus vide que plein. C’est pourquoi, nous soutenons pleinement la position ferme de la France dans ces négociations, qui a été très claire quant à la possibilité d’arrêter purement et simplement ces dernières.

Nous saluons d’ailleurs le rappel fait par François Hollande lors de la Conférence environnementale à Paris sur le TTIP/TAFTA : « les accords commerciaux ne peuvent pas remettre en cause de manière subreptice les avancées qui ont été décidées lors de la COP21 ». Non seulement, avec lui, nous refusons que la France signe des traités commerciaux si les chapitres relatifs au développement durable ne sont pas contraignants, mais nous sommes persuadés que l’Union européenne doit faire sienne cette exigence politique.

Au stade actuel, il y a trop d’asymétries, pas assez de réciprocité : alors que l’Union européenne s’est montrée ouverte dans les négociations – trop à nos yeux, y compris en ne respectant pas les exigences du Parlement européen – les États-Unis n’ont offert aucune contrepartie sérieuse, ni pour l’accès à leurs marchés publics, ni pour l’accès aux marchés agricoles et agroalimentaires, qui restent fermés, ni sur les services.

Si les négociateurs européens ne sont pas à la hauteur de nos ambitions pour l’Europe, nous le redisons, nous n’hésiterons pas un seul instant à rejeter le TTIP/TAFTA et c’est à ce jour l’option la plus probable.

Pervenche Berès

Présidente de la Délégation socialiste française

L’article dans le journal l’Humanité