La VI mandature (2004-2009) du Parlement européen vu depuis sa Commission économique et monétaire (ECON) devait être celle de l’élargissement de la zone euro et de la montée en puissance du pilier économique de l’union économique et monétaire (UEM), celle de l’achèvement de l’intégration du marché des services financiers et de l’élaboration d’un système européen de supervision. Elle aura été marquée par des débats animés sur la validité des critères de Maastricht appliqués aux nouveaux Etats membres, sur la pause réglementaire dont le commissaire au marché intérieur Charlie McCreevy, avait fait sa feuille de route en début de législature.
Elle aura surtout été marquée par l’explosion d’une crise d’abord financière en deux étapes autour des 9 août 2007 et 15 septembre 2008. Face à cela, les membres de l’ECON ont, tous groupes politiques confondus et avec le soutien d’un secrétariat compétent, fait preuve d’une grande mobilisation pour permettre au Parlement européen d’être un espace utile de réaction, d’analyse et de contribution à l’élaboration des premières réponses législatives nécessaires que sur beaucoup de points, ils avaient anticipées. Je pense notamment à la révision de la directive sur les garanties des dépôts, à la révision de l’IAS39, au mécanisme de soutien à la balance des Etats membres, à la révision de la directive sur les exigences en fonds propres des banques ainsi qu’au plan de relance européen et aux agences de notation de crédit. Sur tous ces sujets, le Parlement européen, sous l’impulsion de l’ECON, a été aussi réactif qu’il le fallait et aussi ambitieux que possible.
L’ECON s’est confirmée comme un lieu privilégié d’observation, d’analyse et de perception des enjeux européens dans ses domaines de compétence. En effet, cette commission est compétente tant sur les questions macro-économiques de coordination des politiques économiques, du dialogue monétaire avec la Banque centrale européenne (BCE), de la politique de la concurrence, de la fiscalité et des
services financiers. À ce titre, la fonction de contrôle qu’elle exerce peut-être globale et efficace, en particulier comparé aux autres institutions de l’Union, que ce soit la Commission où ces questions étaient, au cours de la législature, suivies par quatre commissaires différents, ou bien le Conseil ou encore la BCE dont la compétence directe ne porte que sur un aspect de ces compétences.
1. Les membres de l’ECON ont, au cours de la VI° législature, à une large majorité, très tôt mesuré la nécessité de combiner la protection des investisseurs avec des objectifs macroéconomiques de stabilité financière et de prise en compte des risques systémiques.
2. Tout au long de ces cinq ans nous avons cherché à consolider des bonnes pratiques qui avaient été établies. C’est ainsi que s’est poursuivie la pratique des Troïkas qui permettent au début d’une présidence d’organiser entre le Bureau et les coordinateurs de l’ECON une rencontre avec le (la) président(e) de l’ECOFIN, accompagné des membres de la troïka du Conseil et le commissaire responsable de l’UEM. S’agissant du dialogue monétaire entretenu avec le président de la BCE, même si beaucoup reste à faire, dès le début de la législature nous avons initié des échanges structurés avec nos homologues aux Etats-Unis et dans ce cadre étudié les conditions dans lesquelles le Congrès traite de l’activité d’abord d’Alan Greenspan puis de Ben Bernanke à la tête de la FED. À l’occasion de la désignation du dernier membre du directoire de la BCE, M. Ju?rgen Stark, nous avons également initié un débat sur les conditions d’exercice de cette compétence par le Conseil, notamment en ce qui concerne les critères de sélection des membres du directoire, la définition de leur portefeuille ainsi que les conditions d’association du Parlement à la décision. Alors qu’au regard de l’indépendance de la BCE, celle-ci ne peut venir devant la Commission économique et monétaire que dans le cadre de quatre rendez-vous pré-établis, une réunion extraordinaire c’est tenue le 11 septembre 2007 dans le contexte du déclenchement de la crise financière. Enfin, le dialogue monétaire a continué à s’appuyer sur les contributions d’un panel d’experts venant soutenir le travail des parlementaires.
Nous avons installé de nouvelles pratiques, notamment l’organisation de rencontres annuelles avec les parlementaires nationaux des commissions équivalentes. Ces rencontres entendent d’abord associer nos homologues des parlements nationaux lors de la définition des grandes orientations économiques qui demeurent l’outil d’une coordination ex-ante des politiques économiques des Etats membres, alors que le caractère intergouvernemental de cette compétence occulte le débat public. Notre objectif est celui d’une meilleure appropriation par les parlements nationaux de la dynamique européenne des politiques économiques qu’ils arrêtent lors de l’adoption de leurs budgets nationaux. Avant même le déclenchement de la crise, le cadre de ces rencontres a également été utilisé pour favoriser un échange entre parlementaires nationaux et européens sur les enjeux de la réglementation et de la supervision des marchés financiers européens qui relèvent pour beaucoup encore d’autorités nationales et dont la nécessaire meilleure organisation européenne conduira à une réorganisation entre échelon national et européen. Nous avons également initié la présence d’une délégation de l’ECON au moment des réunions annuelles du FMI et de la Banque mondiale afin d’incarner cette représentation de l’Union européenne au sein des institutions financières internationales que le Parlement a appelé de ses voeux à maintes reprises dans ses résolutions sur le FMI ou l’UEM. La présidente de l’ECON a également été, es qualité, invitée à participer pour la première fois aux travaux de l’ECOFIN informel de Nice en septembre 2008. En termes de politique économique, l’ECON s’est beaucoup battue pour que le nouveau calendrier d’adoption des grandes orientations de politiques économiques lui permette de s’exprimer en temps utile et en harmonie avec l’adoption des lignes directrices emploi.
3. La VIè mandature a vu l’anniversaire des dix ans du lancement de la monnaie unique et l’ECON a pleinement contribué à la célébration de cet anniversaire ainsi qu’à la réflexion sur le bilan et les perspectives de l’UEM par le biais d’un rapport et d’une séance solennelle en plénière. Dans le domaine de la comitologie, l’ECON, riche de son expérience acquise depuis le lancement du Plan d’action des services financiers (PASF) en 2000, a été très mobilisée pour que l’accord entre les institutions permette au Parlement de faire prévaloir son point de vue tout en respectant la spécificité des mécanismes d’adoption de la législation dans le domaine des services financiers.
Dans le domaine de la régulation et de la supervision des marchés financiers, audelà de l’examen des textes proposés par la Commission européenne, nous avons développé la pratique des contacts avec les comités européens de régulateurs (CESR, CEBS et CEIOPS) dont nous avons ainsi contribué à accroître la légitimité et la visibilité. L’ECON s’est également prononcée sur le coût budgétaire d’une supervision de qualité et la nécessité de doter les autorités de coordination, préfiguration des futures autorités de supervision, de d’avantage de moyens. Dans ce domaine, très tôt, l’ECON a plaidé pour davantage d’intégration européenne et proposé dès le printemps 2006 qu’un comité des sages puisse travailler à l’élaboration de telles propositions. A propos des normes comptables, essentiel au regard des enjeux en termes de stabilité des marchés financiers comme l’a démontré la présente crise, l’ECON a exercé l’ensemble de ses compétences pour auditionner régulièrement les autorités en charge, le président de l’IASCF, M. David Tweedy et le président des « Trustees », MM. Tommaso Padoa-Schioppa puis Gerrit Zalm et plaidé pour une meilleure gouvernance de ses instances et pour l’organisation d’une voix européenne en leur sein.
Dans le domaine de la politique de concurrence et des aides d’Etat, la commission ECON a exercé son rôle de contrôle politique des services compétents de la Commission européenne, en particulier par le biais de ses rapports annuels en la matière. Elle a également contribué au Plan d’action sur les aides d’Etat 2005-2009, la pierre angulaire de la réforme du système des aides d’Etat. Elle a aussi engagé et soutenu les travaux pour l’adoption à l’échelle européenne d’un mécanisme d’action de groupe.
Dans le domaine fiscal, même si le blocage de la proposition sur l’impôt sur les sociétés est à déplorer, l’ECON a su trouver des compromis permettant au Commissaire Kovacs de bénéficier d’un fort soutien de la représentation parlementaire que ce soit dans le domaine des taux réduits de TVA, de droits d’accise, ou de la révision de la directive fiscalité de l’épargne vis à vis du Conseil qui traite à l’unanimité de ces questions.
La rentrée parlementaire de la VIIè législature (2009-2014) du Parlement européen et de sa commission économique et monétaire s’annonce chargée du fait d’un télescopage entre la gestion de la crise et l’élaboration de l’environnement réglementaire et de supervision de l’après crise d’une part, et d’autre part la réalisation des grands chantiers que nous avons entamé en matière de lutte contre le changement climatique et de révision des perspectives financières pour faire évoluer la stratégie de Lisbonne dans la perspective de la prochaine décennie. Le rôle des législateurs de cette VIIè législature et des membres de la future commission économique et monétaire sera de veiller à la mise en cohérence de ces deux niveaux. C’est en s’assurant que la relance économique et la reprise des marchés financiers se fassent au service d’une stratégie commune et partagée pour l’emploi, que les conditions d’un modèle soutenable seront créées. D’ores et déjà beaucoup de textes sont sur la table ou programmés dont certains requièrent un traitement en urgence, qu’il s’agisse de la mise en place d’une structure européenne de supervision, des propositions en matière de législation sur les fonds alternatif et d’investissement privé, de la coopération entre administrations fiscales, des suites de l’adoption de la législation majeure dans le domaine de l’assurance, Solvabilité 2, de l’évolution de la législation en matière bancaire y compris pour intégrer les résultats des travaux du Comité de Bâle. Sur beaucoup de ces questions, le Parlement dispose, compte tenu de ses travaux antérieurs, d’une base de départ solide, comme par exemple sur la question des fonds alternatifs et d’investissement privé.
4. Sur d’autres dossiers, l’ECON au cours de la VI° législature a appelé de ses voeux sans succès des initiatives de la Commission qui auront été bloquées pour différentes raisons – il en va ainsi du texte sur la définition d’une base commune pour l’impôt sur les sociétés ou du statut des mutuelles – et qu’il appartiendra à la nouvelle Commission de débloquer.
Ce bilan constitue pour les futurs membres de l’ECON une base utile pour mener les prochaines initiatives et négociations. La première occasion leur en sera donnée par l’audition des candidats pour les portefeuilles de Commissaire liés aux compétences de l’ECON sera l’occasion pour la représentation parlementaire de rappeler ses exigences et de veiller à l’intérêt des citoyens.