Pervenche Berès explique au micro de BFM les risques qu’une politique d’austérité ferait courir à la relance en Europe.
Grégoire Favet : Est-ce que le débat qui cherche à opposer relance et austérité est encore d’actualité ? Fait-il encore sens aujourd’hui ?
Pervenche Berès : J’imagine que c’est le cas puisqu’il a lieu. En même temps, il faut regarder ce que cela signifie et quels sont les tenants et les aboutissants des différentes stratégies.
On le voit bien aujourd’hui, au lendemain du G20 de Toronto, ce débat dépasse l’enjeu entre les Etats-Unis et l’Union européenne [UE], puisque la Chine aussi s’y est invitée. Elle exporte 20 % de ses produits vers l’UE, tandis qu’elle n’en exporte que 17 % vers les Etats-Unis, et elle est aujourd’hui très inquiète d’un possible ralentissement de la croissance et du dynamisme de l’économie européenne. C’est donc une question qui dépasse les arbitrages entre les différents Etats de l’UE.
La crise dans laquelle nous sommes plongés a des relents historiques. Bien sûr, chaque crise a ses spécificités, mais en même temps il faut regarder le passé. On a beaucoup parlé de la crise de 1929, or, après elle, on a mis en place des politiques d’austérité qui se sont traduites par des récessions et une radicalisation des situations, à la fois économique et politique.
Je ne dis pas qu’on en est là aujourd’hui, je dis simplement que, si l’on ne mène que des politiques d’austérité, on prend un très grand risque, à la fois économique et politique. Bien sûr le niveau des dettes est inquiétant, mais il l’est à la fois parce qu’il a fallu financer des mesures de soutien aux banques et à l’économie et parce que, tant que la reprise n’est pas là, la diminution des recettes est importante. On est donc dans un cercle vicieux, et le risque est d’aggraver le manque d’appétence, d’optimisme économique, et du coup de renforcer ce cercle vicieux.
On est allé trop loin aujourd’hui en Europe ?
Les Italiens ont montré dans une étude que les mesures d’austérité qui sont annoncées se traduiraient par un demi-point de croissance de moins, ce qui est confirmé par le Financial Times Deutschland… qui n’est pas suspect de complaisance devant les chiffres italiens. Il y aura donc une casse de la croissance, qui va se traduire par des casses en termes d’emplois.
La difficulté, c’est qu’aujourd’hui on est face à une crise que certains qualifient de crise de la dette souveraine, au motif que la dette serait devenue trop importante. Moi, je l’appelle plutôt la crise de la gouvernance de la Zone euro. Si chacun des Etats membres, séparément, mettait en place, quelle que soit sa situation propre, ces stratégies d’austérité, je ne vois pas d’où reviendraient la confiance, la demande intérieure. On ne peut pas demander à des consommateurs de soutenir un gouvernement qui contracte totalement sa capacité d’investissement et leur demander d’être de bons citoyens, confiants dans l’avenir, et de favoriser la demande intérieure.