Mercredi 8 novembre 2017
Version longue de la tribune parue dans « Le Monde » et signée de :
Pervenche Berès, Députée européenne S&D (France), Porte-parole des Socialistes et Démocrates pour les affaires économiques et monétaires
Udo Bullmann, Député européen S&D (Allemagne),Vice-président du groupe Socialiste et Démocrate en charge du modèle économique et social
Roberto Gualtieri, Député européen S&D (Italie), Président de la Commission économique et monétaire
Six conditions pour la transformation du MES en FME
Dans le débat sur l’Union économique et monétaire, l’idée de transformer le mécanisme européen de stabilité (MES) en un Fonds monétaire européen (FME) progresse. Merkel et Schauble ont plaidé en ce sens, la question a été discutée à l’Eurogroupe et Juncker a annoncé que la Commission ferait une proposition le 6 décembre.
Le groupe S&D a longtemps milité en faveur de la création d’une capacité budgétaire et d’emprunt pour la zone euro. Nous avons clairement indiqué que cette capacité devrait être inscrite dans le budget de l’Union, gérée par un ministre européen des finances, membre de la Commission européenne et soumise au contrôle du Parlement européen et du Conseil. Les propositions actuelles sur le MES/FME sont nettement en-deçà de cette ambition : le groupe S&D est prêt à contribuer à des évolutions, mais certaines conditions devront être remplies pour qu’il puisse les soutenir…
A cet égard, il convient de distinguer deux fonctions, toutes deux nécessaires au bon fonctionnement de l’Union monétaire.
La première, c’est celle de la gestion des crises et la fourniture d’une assistance financière aux Etats membres soumis à de fortes tensions, afin de préserver la stabilité et l’intégrité de la zone euro. La seconde porte sur la stabilisation macroéconomique pour absorber les chocs asymétriques et créer une capacité contra-cyclique.
Pour la fonction de gestion des crises, afin de renforcer la capacité de gestion des crises dans l’UE et sortir de la dépendance à l’égard du FMI, la transformation du MES (parler d’un fonds « monétaire » ou de FME, paraît inapproprié) devrait être soutenue si les conditions suivantes sont remplies :
1) Le MES doit être intégré dans les traités de l’UE sur la base de l’art. 352 TFUE ;
2) Les compétences de la Commission en matière de coordination des politiques économiques et de surveillance multilatérale devraient être pleinement respectées. Cela comprend également l’analyse et la surveillance tant macroéconomiques que spécifiques à chaque pays que mène le FMI par ses consultations au titre de l’article IV : la mise en place d’une prérogative spécifique dans ce domaine dans le cadre du MES doit être écartée ;
3) Aucun mécanisme de restructuration automatique de la dette comme condition préalable à l’octroi d’un soutien au titre du MES/FME ne saurait être mis en place, car cela serait préjudiciable à la stabilité financière – la possibilité d’une restructuration de la dette est par ailleurs déjà prévue ;
4) Le rôle de la Commission devrait être renforcé par la nomination du commissaire en charge des affaires économiques et financières comme président de l’Eurogroupe et président du conseil des gouverneurs du MES, conformément aux articles 5.2 et 5.7 de l’actuel traité sur le MES ;
5) Des dispositions particulières permettant une surveillance par le Parlement européen et son instance ad hoc (le groupe de travail sur l’Assistance financière) devraient être négociées, y compris un pouvoir de nomination sur la gouvernance du MES ;
6) Outre la transformation du MES en FME, et en considérant sa fonction centrale actuelle, une partie de la capacité de mobilisation du MES devra être utilisée en parallèle pour mettre en place le filet de sécurité final de l’Union bancaire.
La fonction de stabilisation macroéconomique, est pour nous essentiel à la gouvernance économique de la zone euro. C’est la raison pour laquelle nous pensons qu’elle devrait être établie dans une section spécifique « UEM » du budget de l’UE et être gérée par la Commission sous le contrôle du Parlement européen et du Conseil. Cette fonction devrait faire partie intégrante d’une boîte à outils comprenant de nouveaux instruments pour le rétablissement d’un processus de convergence vers le haut et pour une stratégie d’investissement public, deux éléments indispensables et urgents pour remédier aux défauts économiques fondamentaux actuels de la zone euro. L’utilisation de ces outils devrait être pleinement articulée avec la définition d’une orientation budgétaire agrégée appropriée pour la zone euro, afin de relever les défis des effets de contagion (spill-over effects) ainsi que des divergences et des déséquilibres macroéconomiques entre ses Etats membres.
Alors que ce budget de l’UEM devrait être financé en régime de croisière par des ressources propres spécifiques et des recettes affectées, sa mise en place pourrait bénéficier des moyens et de la capacité d’emprunt du MES. Dans ce cas, son rôle devrait être limité à pourvoir un filet de sécurité financier au nouveau fonds de stabilisation, qui reste à inscrire dans le budget de l’UE.
Pour l’euro, le temps d’un gouvernement démocratique est venu. Nous sommes prêt à prendre nos responsabilités dans ce moment historique.
La tribune parue dans Le Monde en pdf : Pour un Fonds monétaire européen efficace
La tribune parue dans Le Monde.fr : http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/11/04/un-fonds-monetaire-europeen-doit-etre-un-outil-d-investissement-public-et-de-convergence-vers-le-haut_5210199_3232.html?xtmc=beres&xtcr=1
Cette tribune est également parue le 4 novembre en version papier et en version numérique dans « Il sole – 24 Ore » : http://www.ilsole24ore.com/art/mondo/2017-11-03/un-fondo-monetario-l-europa–071359.shtml?uuid=AEzc861C