Jeudi 16 novembre 2017
Tribune collective parue dans le quotidien belge Le Soir *
* Signataires : Nicolas Schmit, président du réseau ministériel Emploi et affaires sociales du PSE, ministre luxembourgeois de l’Emploi, du Travail, de l’Economie sociale et solidaire ; Sergei Stanishev, président du Parti socialiste européen (PSE) ; Luca Visentini, secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats (CES) ; Maria João Rodrigues, vice-présidente du groupe S&D au Parlement européen, présidente de la fondation européenne pour les études progressistes (FEPS) ; Pervenche Berès, présidente du réseau Europe sociale du PSE.
Une question résonne de plus en plus dans l’esprit des citoyens Européens : que fait l’Union européenne pour moi ? Elle est légitime, et une réponse claire et cohérente doit impérativement lui être apportée. Toutefois, trouver les mots justes ne suffit pas. Les citoyens européens remettent de plus en plus en cause la capacité des institutions et de l’Union européenne à agir dans leur intérêt.
Notre ambition ne fait aucun doute : une Europe dont nous pouvons être fiers est une Europe où chacun peut vivre dans la dignité.
Le socle européen des droits sociaux, une série de vingt principes qui replace les préoccupations sociales à l’agenda politique, marque un pas dans la bonne direction. Nous luttons pour que ce pilier soit proclamé le plus rapidement possible, au plus tard lors du Sommet social de Göteborg.
Aller de l’avant
Cependant, ces principes ne peuvent être une fin en soi. Pour renforcer efficacement notre modèle social et réduire les inégalités, pour garantir des normes sociales élevées et des négociations collectives solides, il est désormais crucial d’aller de l’avant. L’Europe ne se relèverait pas d’un échec qui éroderait davantage la confiance de ses citoyens. Une fois cette confiance perdue, la reconquérir est loin d’être tâche facile.
Voilà pourquoi nous pressons la Commission et les États membres pour qu’ils soient prêts à mettre en œuvre tous les principes du socle dès que ce dernier sera approuvé. Nous lançons également un appel pour un Plan d’action sociale détaillant clairement les mesures et outils nécessaires à la réalisation des vingt principes du pilier. Ce Plan d’action sociale est la clé pour tenir toutes ces promesses.
Mettre l’accent sur les salaires
Une Union européenne qui tient ses promesses est une Union européenne où nous percevons toutes et tous des salaires décents. Nous devons tout mettre en œuvre pour mettre fin au dumping et la stagnation des salaires. Plusieurs institutions, notamment la Banque centrale européenne, partagent cet appel. Le salaire des citoyens européens doit être revu à la hausse. C’est pourquoi nous demandons un Plan d’action sociale susceptible non seulement de promouvoir des négociations collectives aux niveaux sectoriel et national dans tous les pays, mais également de consolider les mécanismes de salaires minimums, là où ils existent, à un niveau supérieur au seuil de pauvreté fixé à 60 % du revenu médian national. C’est également pourquoi nous demandons un Plan d’action sociale prévoyant des objectifs chiffrés de réduction de l’écart salarial entre hommes et femmes et de lutte contre les discriminations. Nous voulons nous assurer que la Commission intègre ces objectifs dans le cadre du Semestre européen.
Remettre le travailleur au centre
Une Europe sur laquelle les citoyens européens peuvent compter est une Europe qui garantit un emploi de qualité pour toutes et tous. Cela signifie que chaque travailleur peut réellement bénéficier de conditions de travail décentes, indépendamment de son type de contrat. C’est dans cette optique que nous réclamons une directive cadre sur les conditions de travail à appliquer à toutes les formes d’emploi, et attendons de la réforme de la directive relative à la déclaration écrite qu’elle combatte la précarité. Nous voulons un Plan d’action sociale capable de faire face aux mutations du monde du travail, d’assurer aux travailleurs le droit d’accéder à la protection sociale et de transférer leurs droits et prestations, un Plan qui soutiendrait le droit à la déconnexion. C’est également pour cela que le renforcement, la restauration et l’élargissement des négociations collectives, ainsi que leur ouverture à tous les secteurs, y compris à celui du travail atypique, doivent être au cœur de ce Plan d’action sociale. C’est pour cela qu’une « Autorité européenne du Travail » doit garantir la fin du dumping social et le respect des règles pour une mobilité équitable des travailleurs et une égalité de traitements totale dans toute l’UE.
Une économie sobre en carbone
Une Europe qui protège est une Europe qui garantit une juste transition vers une économie sobre en carbone, qui gère les changements et l’impact sur l’emploi et sur les conditions de travail de la numérisation, de l’automation, de la mondialisation et du commerce international. Une Europe qui ne laisse personne au bord du chemin.
Pérenniser la Garantie Jeunesse
Une Europe qui tient sa parole est une Europe qui donne l’opportunité à tous ses citoyens de trouver un emploi de qualité, leur permettant ainsi d’avoir une vie épanouissante et un avenir prometteur. Voilà pourquoi un Plan social qui passe des paroles aux actes doit inclure une Garantie Compétences bien financée, pour permettre aux Européens de s’adapter à la rapide mutation des marchés du travail. Voilà pourquoi, un Plan d’action sociale doit pérenniser la Garantie Jeunesse et l’ouvrir aux jeunes jusqu’à l’âge de 29 ans en la dotant d’un financement de 5 milliards d’Euros, condition indispensable à sa réussite.
Une protection minimale
Nous croyons fermement qu’une Union européenne qui mérite la confiance de ses citoyens est une Union européenne qui combat toutes les formes d’exploitation et d’exclusion sociale, mettant ainsi un terme à la pauvreté, ne laissant personne pour compte. C’est pourquoi un Plan d’action sociale doit impérativement garantir à chaque enfant européen un accès gratuit aux soins de santé, à l’enseignement, à la garde des enfants, ainsi qu’à un logement décent et à une alimentation appropriée. C’est également pourquoi nous demandons un Plan d’action sociale qui offre à chaque Européen un seuil de protection sociale minimale, un filet de sécurité social sur lequel ils peuvent compter lors des moments difficiles.
Indispensable coordination
Pour une Europe réellement sociale, la Commission et le Conseil doivent placer les citoyens européens au cœur de toute décision prise dans le cadre de la coordination économique du Semestre européen. Ils doivent reconnaître le caractère productif des investissements sociaux et la contribution de la protection sociale à la résilience de nos économies. Qui dit gouvernance économique progressive dit coordination au niveau de l’UE des politiques économiques, sociales et d’emploi, dans l’optique d’atteindre les objectifs de la Stratégie Europe 2020 et les Objectifs de développement durable.
Il est essentiel que les institutions et les décideurs européens joignent le geste à la parole et tiennent leurs promesses, pour regagner la confiance nécessaire et entamer un véritable dialogue avec les citoyens européens sur le renforcement de l’Union européenne.
L’Union européenne dont nous avons besoin est une Union européenne qui mérite la confiance de ses citoyens, une Union européenne sur laquelle ils pourront compter et une Union européenne dont ils pourront être fiers.
Notre message est sans ambages : le Sommet social de Göteborg doit approuver les vingt principes édictés dans le socle. Une fois cette étape franchie, le moment sera venu de poursuivre le virage social de l’Europe au-delà de ces principes, et de mettre en œuvre un véritable Plan d’action sociale.
* Cette tribune est également parue dans le journal italien La Repubblica,
http://www.repubblica.it/europa/2017/11/16/news/una_svolta_sociale_per_l_europa_ora_-96696
dans le journal portugais Diario de Noticias