Le Parlement européen veut changer le mode de recrutement des hauts postes de l’UE

 

Mercredi 28 février 2018

Article paru dans Euractiv.fr

Le cas problématique de Luis De Guindos suscite une fronde des élus sur le mode de sélection des postes à haute responsabilité. Le candidat espagnol à la vice-présidence de la BCE pourrait en faire les frais.

Tout était prévu pour que la commission économique du Parlement européen avalise sans coup férir la nomination de l’espagnol Luis De Guindos à la vice-présidence de la BCE. Il rejoindrait ainsi le club très masculin (à 92 %) du conseil des gouverneurs de la banque.

Mais à la dernière minute, le groupe d’experts sur les finances de l’UE a soutenu une proposition de l’eurodéputée socialiste Pervenche Berès.

oral amen

La Française a prévenu que son groupe politique transformerait son abstention en rejet, lors du vote en plénière sur le sujet en mars, si les États membres ne discutaient pas avec les eurodéputés du processus de nomination de postes à haute responsabilité de l’UE.

L’eurodéputée française a déclaré à Euractiv que le Parlement « [voulait] voir, avant la séance plénière de mars, si le Conseil est réellement désireux d’entrer dans la discussion » pour améliorer le processus. Les eurodéputés de la commission affaires économiques veulent des résultats, notamment en termes de parité, et de délais. Autrement, le processus « n’est que foutaise », commente-t-elle.

Les eurodéputés ont fixé comme délai de cette discussion le vote en séance plénière du 12 au 15 mars, lorsqu’ils s’exprimeront sur la nomination de Luis de Guindos.

D’ici là, le président de la Commission parlementaire, Roberto Gualtieri, compte envoyer une lettre au président de l’Eurogroupe, Mario Centeno, et au président du Conseil, Donald Tusk, pour détailler la demande du Parlement.

L’opposition des eurodéputés entrainerait certes un avis négatif sur la nomination du ministre espagnol de l’Économie. Mais, en vertu des traités, la position du Parlement n’est pas contraignante et les dirigeants européens comptent soutenir Luis de Guindos lors du sommet du 22 et 23 mars.

Le «pragmatique» Luis de Guindos obtient la vice-présidence de la BCE

L’Eurogroupe a choisi le ministre espagnol de l’Économie pour le poste de vice-président de la BCE, marquant ainsi le retour de l’Espagne dans la gouvernance européenne.

Luis de Guindos devrait succéder au Portugais Vítor Constâncio en tant que bras droit de Mario Draghi à partir du 1er juin.

L’Espagnol a obtenu un premier feu vert des eurodéputés, puisque sa nomination a été approuvée avec 27 voix pour, 14 contre (notamment des partis de gauche) et 13 abstentions des socialistes et démocrates (S&D).

Pour Pervenche Berès, Luis de Guindos n’est pas du tout la bonne personne pour le poste. « Il s’y connaît peut être un peu en gouvernance économique, mais ses réponses sur la politique monétaire ne faisaient que soutenir les déclarations de Mario Draghi et il a répété que la BCE se pencherait sur cette question à l’avenir » constate-t-elle.

Nomination controversée

Cette profonde division au moment de soutenir Luis de Guindos illustre bien à quel point cette nomination, mais aussi tout le processus, est devenu controversé.

L’amendement de l’eurodéputée française, joint à la liste de vote, a été soutenu par une grande partie de la commission, y compris le PPE, les conservateurs et réformistes européens (CRE) ainsi que les libéraux (ALDE).

Le Parlement relance la course à la vice-présidence de la BCE

Les eurodéputés ont déclaré que la candidature de Philip Lane, de la Banque centrale d’Irlande, était plus pertinente que celle du favori des gouvernements européens, Luis de Guindos.

« Le Parlement européen s’inquiète du manque de parité entre les sexes, de la procédure de sélection, du timing de la nomination et de l’indépendance politique. Il demande donc au Conseil de s’engager dans un dialogue avec le Parlement pour améliorer le processus des futures nominations », précise l’amendement.

Pour Stan Jourdan, responsable de Positive Money Europe, le processus actuel est biaisé de A à Z, notamment car il écarte le Parlement européen. « Les traités donnent la possibilité d’améliorer ce processus, notamment en s’assurant que le Parlement est autorisé à donner son opinion formelle sur plusieurs candidats et pas seulement sur le favori de l’Eurogroupe ».

Ce n’est pas la première fois que les eurodéputés expriment leurs inquiétudes à l’égard de la sélection des responsables des institutions européennes. En 2012, le Parlement avait déjà traîné des pieds pour valider la nomination d’Yves Mersch, un autre membre du directoire de la BCE.

Le Parlement s’oppose à un directoire de la BCE uniquement composé d’hommes

Jeudi (25 octobre), le Parlement européen a rejeté avec une faible majorité la nomination du directeur de la banque centrale du Luxembourg au poste de directeur général de la Banque centrale européenne, affirmant que peu d’efforts avaient été fournis pour nommer une candidate féminine à la tête de ce qui est considéré comme un club d’hommes.

L’hémicycle invoquait alors le manque de candidates femmes pour le poste.

Une audition facile

Lors de son audition face aux eurodéputés, le 26 février, Luis De Guindos a assuré que la parité hommes-femmes était pour lui de la plus haute importance, rappelant que six des huit postes-clés de son ministère étaient occupés par des femmes.

Il se dit également « ardent défenseur » de l’indépendance des banques centrales. La nomination inédite d’un ministre à la direction de la BCE a entrainé des critiques à Bruxelles et à Francfort.

Les questions des eurodéputés ont cependant été moins agressives que prévu et ont surtout porté sur la politique monétaire et la réforme de la zone euro.

Lors de la première audition, à huis clôt, les élus avaient conclu que son rival, Philip Lane, de la Banque centrale irlandaise, avait été plus convaincant.

Luis De Guindos avait en effet été critiqué pour ne pas avoir réussi à améliorer le modèle économique espagnol. Son implication dans le sauvetage de certaines banques avait également été pointée du doigt.

L’un des moments les plus tendus a été une intervention de Pervenche Berès lors de laquelle l’eurodéputée a dénoncé son gouvernement, mené par un parti au sein duquel circulent des « enveloppes » d’argent sale. L’Espagnol a répliqué qu’il n’était sur les listes d’aucun parti et qu’il ne siégeait pas au Parlement.

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Lettre Gualtieri Centeno – ECB Appointment procedures