Lundi 3 décembre 2018
Tribune collective parue dans le Monde
Trois députés européens estiment dans une tribune au «Monde» que les ministres des finances européens doivent adopter sans délai la taxe sur les services numériques et imposer les GAFA sur leurs chiffres d’affaires.
Le temps presse! Les ministres des finances européens qui se réunissent, mardi 4 décembre, à Bruxelles doivent adopter sans délai la taxe sur les services numériques, un impôt sur le chiffre d’affaires des multinationales du numérique telles que Google, Apple, Facebook, Amazon, Booking ou Spotify. Une telle taxe pourrait générer jusqu’à 10milliards d’euros de recettes publiques par an, indispensables pour une croissance économique durable, la création d’emplois et le financement des services publics.
La Commission européenne a révélé que le secteur du numérique payait 9,5% d’impôts sur les sociétés Alors que les citoyens et les petites entreprises paient leurs impôts là où ils vivent et travaillent, les géants du numérique y échappent presque entièrement. En mars, la Commission européenne a révélé que le secteur du numérique payait 9,5% d’impôts sur les sociétés, soit moins de la moitié que les secteurs «traditionnels», avec 23% en moyenne. Rien qu’en2017, Amazon a généré environ 25milliards d’euros de chiffre d’affaires en Europe mais a réussi à payer un impôt quasi nul.
Système fiscal dépassé par la mondialisation Notre système fiscal est aujourd’hui dépassé par la mondialisation et la transition numérique. Conçues au début du XXesiècle pour une économie traditionnelle basée sur les échanges de biens et services physiques, les règles actuelles ne fonctionnent plus dans une économie de plus en plus virtuelle. A cela s’ajoute des règles fiscales nationales divergentes, des niches et autres failles qui font de l’évasion et de la fraude fiscales un jeu d’enfant pour les multinationales. Les révélations des «Paradise Papers» ont montré comment celles-ci tirent parti de cette cacophonie réglementaire en employant des constructions fiscales sophistiquées pour transférer leurs profits vers des paradis fiscaux.
Les entreprises du numérique sont expertes dans l’exploitation de cette situation. Elles bénéficient d’une faible présence physique en Europe et peuvent donc choisir de rapatrier leurs bénéfices vers le pays aux règles fiscales les plus avantageuses. Ce faisant, elles stimulent la concurrence entre les Etats membres et mènent un nivellement par le bas en matière de fiscalité des entreprises.
À moins que l’on ne change les règles du jeu, nous continuerons d’assister à une chute sans fin du montant des impôts payés par les entreprises. Les réformes pour combattre ce système injuste nécessitent du temps, mais surtout du leadership politique; et dans ce cas, d’un leadership européen.
Indispensable initiative européenne Le meilleur moyen pour accélérer les discussions au niveau international, c’est une initiative européenne qui garantit que les entreprises numériques paient, dès aujourd’hui, leur juste part d’impôts. La meilleure option sur la table est l’adoption de la taxe sur les services numériques telle que proposée par la Commission européenne en incluant un taux plus élevé, fixé à 5% du chiffre d’affaires et un champ d’application accru, intégrant les fournisseurs de contenus numériques, tels que Netflix, et du commerce électronique, tel qu’Amazon.
Seul un ultimatum crédible permettrait de s’assurer de l’engagement nécessaire des Etats-Unis à la table des négociations multilatérales visant à taxer l’économie numérique. Moins performant, mais toujours efficace, serait de décider dès à présent d’une solution d’urgence qui entrerait automatiquement en vigueur si les négociations internationales en cours à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) échouaient. Un tel compromis aurait le mérite d’unir la France et l’Allemagne. Avec une solide garantie de mise en place d’une taxe sur les services numériques européens, assortie d’un délai clair fixé à la fin de l’année 2020, l’Europe pourrait faire pression sur un processus réglementaire bien trop souvent inopérant au niveau international. Seul un ultimatum crédible permettrait de s’assurer de l’engagement nécessaire des Etats-Unis à la table des négociations multilatérales visant à taxer l’économie numérique.
Ne manquons pas cette chance pour l’Union européenne. Reporter une telle décision de deux ans, comme suggéré par certains leaders européens, n’est pas une option. Il est temps que des mesures soient prises pour mettre fin à cette injustice fiscale qui permet une imposition si faible de revenus et de profits pourtant en grande partie réalisés en Europe.
Nous appelons les ministres des finances européens à trouver une solution. Maintenant. Assurons-nous que la numérisation de l’économie ne mène pas à une charge fiscale plus lourde pour les employés ou pour les petites entreprises. L’Europe doit récupérer sa souveraineté fiscale. C’est tout simplement l’équité et le contrat social qui sont en jeu.
Pervenche Berès est députée européenne, porte-parole des socialistes et démocrates sur les questions économiques et monétaires; Udo Bullmann est président du groupe socialiste et démocrate au Parlement européen; Paul Tang est député européen, rapporteur sur la taxe sur les services numériques.
In FR – Le Monde:
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/03/l-europe-doit-recuperer-sa-souverainete-fiscale_5392051_3232.html
In EN – Euractiv
In DE – Frankfurter Rundschau
In NL – Trouw
https://www.trouw.nl/opinie/belast-techgiganten-als-ieder-ander~a2a6a46e/
In ES – El diario
https://m.eldiario.es/euroblog/ministros-Finanzas-UE-digitales-impuestos_6_841375879.html
In PT – Publico
In IT – Huffington Post