Mardi 27 novembre 2018
Interview pour Electron libre par Isabelle Szczepanski
Pervenche Berès est députée européenne (S&D) depuis 1994. Elle a, en 2015, avec son confrère Christian Ehler (PPE), créé une impulsion très remarquée en lançant l’Intergroupe Industries Culturelles et Créatives. Il s’agissait de rassembler des membres des différents groupes politiques et commissions du Parlement européen afin non seulement de parler de l’avenir de la culture en tant que secteur économique, mais surtout, d’engager des actions concrètes. Pervenche Berès nous explique en quoi les avancées récentes du Parlement européen vers davantage de budget pour le programme Creative Europe, mais aussi la volonté des euro-députés de mettre en place un budget de recherche bénéficiant spécifiquement aux industries culturelles et créatives, est le résultat du travail de l’Intergroupe.
ElectronLibre – En ces temps de discussions budgétaires, plusieurs commissions du Parlement européen ont marqué leur volonté d’augmenter la participation européenne en faveur des industries créatives et culturelles (Horizon Europe, discussions budget 2021-2017 pour MEDIA et Creative Europe). En quoi est-ce le résultat tangible du travail de l’Intergroupe ICC que vous avez créé en 2015 ?
Pervenche Berès – L’Intergroupe a été créé dès les tous premiers jours de la législature. En mars 2015, nous le lancions officiellement avec Monika Grüters et Fleur Pellerin, alors ministres de la Culture, en Allemagne et en France. Nous avions avec Christian Ehler, mon collègue du PPE fait le constant à la fin de l’exercice précédent que la Culture et la Création constituaient un enjeu non identifié en termes politiques et budgétaires. Il fallait donc mutualiser les efforts de plusieurs commissions pour faire prendre conscience de l’importance du secteur des industries culturelles et créatives, plus fécond que le secteur automobile ou pharmaceutique. Donc beaucoup d’emplois, et beaucoup de croissance potentielle. L’Europe a perdu du champ dans trop de domaines. Il était important pour nous de tout faire pour que ce combat-là soit mené : Culture et Création sont au coeur de la souveraineté européenne, au coeur de la démocratie menacée par la montée des extrémismes.
Etes-vous satisfaite des fruits du travail de l’Intergroupe ? Correspondent-ils aux espoirs que vous aviez lors de son lancement ?
Pervenche Berès – Sans vouloir faire preuve d’autosatisfaction, oui. Nous sommes parvenus à inscrire les industries créatives et culturelles en bonne place dans le plan Juncker I, dans Horizon 2020, dans le MFF (cadre financier pluri-annuel,NDLR), et nous y parviendrons certainement dans Invest EU, sans parler bien sûr des programmes dédiés que nous travaillons à renforcer. Nous avons contribué à faciliter les garanties des prêts qui peuvent être accordés.
Nous avons fait en sorte que différents financements puissent être combinés pour rendre plus attractifs les programmes et permettre aux bénéficiaires de viser plus loin. Christian Ehler a fait un rapport très utile qui combinait Industrie et Culture, pour la première fois au Parlement. Nous menons ensemble et avec bien d’autres le combat pour les droits d’auteur ; il est loin d’être gagné, tant les plateformes usent de tous les stratagèmes pour éviter une législation qui leur donnerait des devoirs. Nous avons aussi beaucoup contribué à une révision ambitieuse de la directive sur les services médias audiovisuels. Cette législature aura constitué un vrai tremplin pour la reconnaissance de ces industries et des créateurs. A nous aussi maintenant de faire valoir à l’extérieur ce travail, car souvent les promoteurs de projets n’ont pas d’information sur les fonds à leur disposition. Il ne faudrait pas qu’après tant d’efforts, ils soient sous-utilisés.
Comment l’Intergroupe travaille-t-il, en pratique, afin d’avoir une telle efficacité ?
Pervenche Berès –De la volonté, de la bonne volonté entre tous. Nous savions où nous voulions aboutir, tous groupes confondus.
Nous avons aussi, par exemple sur la question de la création de valeur, été capables d’être à l’initiative au bon moment, c’est-à-dire avant même que la Commission européenne ne mette sur la table sa proposition. Donc une stratégie simple, mais efficace, qui est de de couvrir avec les mêmes propositions, plusieurs commissions et un bon lobbying auprès de nos collègues pour leur expliquer et les faire soutenir notre démarche. Stratégie qui s’est avérée gagnante.