Europolitique
Mercredi 2 Février 2011
AUTEUR: Isabelle Smets
RUBRIQUE: N° 4132
Lier ou pas les aides des Fonds structurels au respect du Pacte de stabilité de l’UE ? Ce sera sans doute une des questions les plus débattues au cours des prochains mois, avant que la Commission européenne ne présente ses nouvelles propositions pour la politique de cohésion post 2013. La Commission a fait la proposition, fin 2010, de suspendre ou annuler des aides des Fonds structurels quand les Etats ne respectent pas le Pacte de stabilité. Mais beaucoup de réserves ont été exprimées à ce sujet lors des deux journées du Forum sur la cohésion, qui s’est tenu à Bruxelles les 31 janvier et 1er février.
Lors de la session de clôture du Forum, qui a réuni, outre le Comité des Régions (CdR) et le Parlement européen, des représentants des gouvernements allemand, suédois et espagnol, seule l’Allemagne s’est montrée favorable à cette idée. Selon Peter Hintze, secrétaire d’Etat allemand à l’Economie, la possibilité de suspendre ou d’annuler l’argent des Fonds structurels en cas de non-respect du Pacte est tout simplement une condition du succès. » Je crois que sans respect des critères de stabilité, toutes les politiques sont condamnées à l’échec « , a-t-il dit, estimant aussi que ce type de sanctions pouvait avoir » un effet de prévention (…) pour empêcher de tomber plus bas, (…), être envisagé comme une planche de salut « .
Seul contre tous. Car côté gouvernements, Anna-Karin Hatt, ministre suédoise des Affaires régionales, si elle ne rejette pas » un peu de conditionnalité au sein même de la politique de cohésion « , elle a dit ses » doutes » sur le lien avec le Pacte de stabilité. Et Luis Espadas, le secrétaire général espagnol au Budget, a estimé qu’il ne fallait » pas donner de coup de pieds aux malades « . » Appliquer des sanctions financières à des pays qui se trouvent déjà dans une situation économique grave risque de ne pas fonctionner « , a-t-il dit.
Même levée de bouclier, unanime, du côté du Parlement européen et du Comité des Régions (CdR). Pour Danuta Hübner, la présidente de la commission du développement régional du Parlement, il n’y a même pas de base juridique qui permettrait de le faire. Comme elle, sa collègue Pervenche Berès, présidente de la commission de l’emploi et des affaires sociales, a dit sa ferme opposition à l’idée de la Commission. Compte tenu des montants différents que reçoivent les Etats, » l’amende serait proportionnée à la pauvreté c’est quand même un paradoxe « , a dit Pervenche Beres. Quant à Mercedes Bresso, présidente du CdR, elle a souligné le » risque de pénaliser les collectivités régionales et locales, alors qu’elles ne sont pas responsables du non-respect par les Etats membres de leurs obligations « .
DES RÉGIONS « INTERMÉDIAIRES » ?
Autre sujet qui alimentera les discussions des prochains mois : le sort à réserver aux régions dites » de transition « . Faut-il, ou pas, créer une catégorie de régions intermédiaires (dont le PIB/habitant serait compris entre 75 et 90 ou 100 % de la moyenne communautaire), à la place des actuels mécanismes de phasing in et phasing out ? La Commission envisage la chose dans son cinquième rapport sur la cohésion économique, sociale et territoriale. En marge du Forum, le lobbying allait d’ailleurs bon train. Sept régions françaises concernées (Basse-Normandie, Corse, Languedoc-Roussillon, Limousin, Lorraine, Nord-Pas de Calais, Picardie) ont remis à Johannes Hahn, commissaire à la Politique régionale, une déclaration commune qui soutient cet objectif intermédiaire et s’oppose à ce qu’il soit réservé aux seules régions sortant de l’objectif de convergence (régions dont le PIB par habitant dépasse tout juste des 75 % de la moyenne communautaire). Mais l’idée ne fait pas non plus l’unanimité. Peter Hintze encore, pour l’Allemagne, a émis des doutes. Oui, l’Allemagne est favorable à un phasing out progressif pour les régions qui sortent de la convergence, mais quant à la création d’une catégorie de régions intermédiaires plus large, il » faudrait voir quel serait l’impact « . A priori, le secrétaire d’Etat allemand est opposé à étendre le système à toutes les régions dont les PIB est compris entre 75 et 90 % de la moyenne communautaire. » Il y a un problème de ressources. « , a dit Peter Hintze. Idem pour la Suède : » Si on propose un régime de transition, il faut qu’il soit limité « , a déclaré Anna-Karin Hatt, en disant la Suède » relativement opposée à la création d’une catégorie nouvelle de régions « . Le discours espagnol était plus favorable à l’idée, Luis Espadas réclamant un mécanisme de transition en soulignant, à deux reprises au moins, les » problèmes » nés de l’existence de catégories phasing in et phasing out.
UNE POLITIQUE POUR TOUS
Un large consensus s’est exprimé sur le fait de ne pas réserver les Fonds structurels aux seules régions les plus en retard de développement. Une politique de cohésion pour tous, donc. Mais ici aussi avec quelques nuances de la part de la Suède, ce qui correspond à sa position habituelle. » Les ressources vont devenir rares, il faut s’y préparer « , a prévenu Anna-Karin Hatt. La représentante suédoise n’a pas rejeté l’idée d’impliquer toutes les régions mais a insisté sur le » mais » : l’accent devra être mis principalement sur les régions » qui en ont le plus besoin « . Langage clair du côté de l’Allemagne par contre : Peter Hintze a dit ans ambiguïté que toutes les régions devraient être concernées car » cela permet à tous les citoyens d’adhérer à cette politique « . Idem pour le représentant espagnol, qui a insisté sur la nécessité d’impliquer les régions de compétitivité » parce que la politique de cohésion n’est pas seulement une politique de redistribution « . » Ce ne sont pas seulement des aides, ce sont des financements « , utiles à toutes les régions pour mieux appliquer les priorités de la stratégie Europe 2020, a dit Luis Espadas.
Les régions françaises partiront avec le sourire : elles ont reçu l’assurance, par un représentant du gouvernement français intervenant lors du débat de clôture, que la France » souhaite une politique de cohésion au bénéfice de toutes les régions et de tous les territoires « . Quelques minutes auparavant, elles avaient dit leur inquiétude en citant Bruno Le Maire, ministre français compétent sur les questions de Politique régionale, également ministre de l’Agriculture, qui a récemment estimé que les régions ayant atteint le niveau moyen de développement de l’UE n’avaient plus besoin de crédits européens.