Revue Maison européenne des pourvoirs locaux

Brèves Européennes n°90
Jeudi 23 juin 2011

INTERVIEW DE PERVENCHE BERES
Pervenche BERES est présidente de la Commission de l’Emploi et des Affaires sociales du Parlement européen

1. Quelles sont les priorités de votre commission pour 2011 et au-delà?
La seconde moitié de l’année 2011 sera dominée par les travaux sur les prochaines perspectives financières et leurs conséquences pour le Fonds social européen ainsi que d’autres instruments qui relèvent de la compétence de la commission de l’emploi et des affaires sociales, tels que le fonds d’ajustement à la mondialisation, le programme Progress pour l’emploi et la solidarité sociale et l’instrument de micro-finance.
La Commission vient d’adopter sa proposition sur les champs électromagnétiques et nous attendons des dossiers législatifs importants tels que la directive sur le temps de travail, le détachement des travailleurs et les désordres musculo-squelettiques pour la fin de l’année.
Enfin, nous sommes associés à deux chantiers majeurs pour l’avenir du marché du travail et le modèle social européen: les paquets gouvernance économique et migration.

2. Les élus locaux sont très attachés à leurs services publics locaux qui jouent notamment un rôle précieux d’amortisseur social en période de crise. Ils s’interrogent sur la pérennité et la qualité future des SIG sous l’emprise des règles de concurrence de l’UE. Ils veulent une meilleure sécurisation juridique et des règles de financement plus souples. Que leur répondez-vous ?
Le groupe socialiste et démocrate au Parlement européen s’est depuis longtemps prononcé pour une directive cadre sur les SIG permettant de donner plus de sécurité juridique aux acteurs locaux.
Malheureusement, cette proposition est refusée par la majorité actuelle du Parlement ainsi que par la Commission.
Pourtant, les nouvelles dispositions du traité de Lisbonne (articles 3, paragraphe 3, et 9 du TFUE)devraient permettre de développer une économie sociale de marché qui soit en prise avec la réalité: l’article 14 TFUE reconnaît que les services d’intérêt économique général (SIEG) constituent une part intrinsèque du modèle social européen, le protocole 26 détermine clairement les responsabilités des États membres dans la prestation de ces services et la Charte européenne des droits fondamentaux reconnaît aux citoyens le droit d’accès aux SIEG.
De plus, la crise a rappelé, si besoin en était, le rôle capital de filets de sécurité et de stimulateurs de croissance, que jouent les SIG.
La commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement a récemment adopté un rapport sur l’avenir des services sociaux d’intérêt général (SSIG) qui demande clairement une adaptation du droit des marchés publics et des aides d’Etat tant aux spécificités des missions imparties aux SSIG qu’à leur mode d’organisation. Il soutient la proposition de révision du paquet Monti-Kroes qui prévoit une différenciation du traitement en fonction de la nature du service, une simplification des contrôles de surcompensation et le ciblage des contrôles en fonction du risque réel de distorsion de concurrence, l’extension des exemptions hors seuils et l’augmentation des seuils de minimis pour les
SSIG.

3. Les associations membres de la MEPLF demandent le maintien d’un volet social dans la future politique européenne de cohésion. Comment améliorer la visibilité et l’accessibilité du FSE dans les programmes à venir ?
Les fonds structurels sont l’un des rares instruments de politique économique dont dispose l’Union. La révision du règlement sur le FSE sera l’occasion de veiller à ce qu’il soit réellement un outil au service de la stratégie de l’Union, notamment en matière d’emploi et d’inclusion sociale.

Dans cet esprit, je souhaiterais que soit arrêté un montant ou un pourcentage minimum que le FSE devrait représenter à l’intérieur de la politique de cohésion. Cette approche se heurte cependant à l’insistance d’un certain nombre d’Etats membres pour un maximum de flexibilité. L’idée de flexibilité peut paraître séduisante au premier abord, mais elle revient en réalité à donner carte blanche aux Etats membres pour dépenser les fonds comme bon leur semble et donc pas forcément dans l’esprit de la stratégie UE 2020.

4. Vous êtes rapporteure de la commission spéciale CRIS sur la crise financière, économique et sociale. Quels sont les principaux objectifs et résultats attendus de cette commission?
Après 18 mois de travaux, le rapport final de cette commission spéciale sera adopté au mois de juillet en plénière du Parlement européen. Son message central est qu’il faut « plus » – pas « moins » d’Europe.

Nous demandons aussi une augmentation du budget européen qui devrait peser entre 5 et 10% du PIB de l’UE, la mise en place d’une communauté de l’énergie et l’émission d’euro-obligations pour permettre à l’Europe de sortir durablement de la crise économique, sociale et financière.

Ce rapport se propose de tirer les leçons d’une certaine Europe qui n’a pas répondu aux aspirations des citoyens. La crise financière supportée à bout de bras par l’argent des contribuables, les banques qui recommencent leurs jeux dangereux, les agences de notation qui entretiennent la spéculation contre certains pays… Nous avons besoin d’aller plus loin dans la régulation des marchés financiers et des banques et plus largement d’un « new deal » européen.

C’est cette vision à moyen-long terme, qui va au-delà du travail quotidien sur les législations sectorielles, que j’ai cherché à porter au sein de cette commission spéciale et dans ce rapport.

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