Le Temps
Jeudi 15 Septembre 2011
Le sort européen du projet «Rubik» passe-t-il par la case grecque? Au parlement de Strasbourg, la signature par l’Allemagne et le Royaume-Uni de deux accords fiscaux avec la Suisse provoque en tout cas une nouvelle levée de boucliers, motivée cette fois par la situation en Grèce. Affirmant que l’évasion fiscale grecque dans les banques helvétiques représente environ 200 milliards d’euros, soit plus que le dernier plan de sauvetage de l’UE (158 milliards y compris l’implication des créanciers privés), plusieurs eurodéputés ont exigé mercredi que la Commission européenne hausse le ton envers Berne. Avec, comme modèle, les pressions exercées actuellement sur la Confédération par les Etats-Unis.
«Le Parlement européen est dépourvu de compétences directes en matière fiscale, mais il pourrait par exemple auditionner les responsables américains et leur demander conseil», argumente l’eurodéputée socialiste française Pervenche Bérès, qui a depuis longtemps la Suisse dans le collimateur. L’idée reste, pour ces partisans d’une traque fiscale accrue, que l’Union européenne obtienne de la Suisse des concessions identiques à celles faites à Washington. «Les accords signés par l’Allemagne et le Royaume-Uni ne doivent surtout pas inciter les autres pays de l’UE à négocier chacun de leur côté, poursuit l’élue. C’est tous ensemble que nous obtiendrons un rapport de force avantageux.»
L’autre cible est la Commission européenne, accusée d’avoir «laissé faire» Berlin et Londres et de n’avoir toujours pas réagi aux deux accords récemment conclus avec la Suisse. Mercredi, plusieurs parlementaires européens membres de la Commission des affaires économiques ont même évoqué l’idée d’une motion de défiance contre le commissaire à la Fiscalité Algirdas Semeta, jugé beaucoup trop passif. Une option également étudiée est une mission aux Etats-Unis, pour rencontrer les experts de l’IRS (le fisc américain) spécialisés dans la traque des avoirs placés dans les banques helvétiques. L’idée qu’un accord de type «Rubik» puisse être avantageux pour la Grèce, confrontée à un besoin urgent de financement et intéressée par une telle négociation, est toutefois prise en compte à Strasbourg, surtout dans le camp conservateur: «L’Etat grec n’est pas en mesure de faire rentrer l’impôt alors que la Suisse peut – et veut – payer pour régler son passif fiscal. Ne l’oublions pas», lche l’élu luxembourgeois Robert Goebbels.
AUTEUR: Richard Werly Strasbourg