Aide à la Grèce : « il était temps » pour Pervenche Berès

Pour Pervenche Berès (S&D), « il était temps » de venir en aide à la Grèce. L’eurodéputée salue donc l’aide annoncée par le Conseil des Ministres des 27 dimanche 9 mai 2010. Cependant, pour la Rapportrice de la commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale du Parlement européen, on ne stoppera pas les causes de la crise tant que nous aurons « une gouvernance de la zone euro inachevée ».
Touteleurope.fr : Les 750 milliards d’euros d’aide alloués par les 27 à la Grèce vont-ils dans le bon sens ?

Pervenche Berès : De toutes les manières, il était temps. C’est évidemment la décision qu’il fallait prendre et montrer au marché qu’il y avait une détermination à exercer la solidarité à l’intérieur de la zone euro.

Mais cette décision aurait pu être prise le 11 février dernier lorsqu’il y a eu un premier Conseil européen extraordinaire sous la responsabilité par M. Van Rompuy. Tous les éléments étaient là pour le faire. Coût de ce retard : on a laissé le terrain de jeu ouvert pour les marchés entre temps. Cela a considérablement aggravé la situation, et d’abord pour la Grèce.

Il faut que les mécanismes soient en place, qu’ils puissent permettre de faire face à une situation de crise. L’idée qu’en cas de crise le FMI intervienne pour une partie dans le dispositif ne me choque pas du tout, mais avec un équilibre entre le budget européen et celui du FMI.

Je suis frappée de voir les conditions demandées à la Grèce. Lors du plan de soutien aux banques à l’automne 2008, on a fixé aucune condition. Il faut le rappeler. Qu’il faille réformer les choses en Grèce, tout le monde en convient. Le paquet de réformes demandées à la Grèce doit faire l’objet d’une discussion.

Autre élément sur lequel je souhaite attirer l’attention : avoir monétisé une partie de la dette, avoir racheté une partie de la dette grecque sur réduction dans ces conditions, c’est faible. Même si techniquement en terme de signal donné au marché, c’est très important. Simplement, il ne faut pas considérer que cela donne à la Banque centrale un droit de regard sur la gestion des finances publiques elles-mêmes. C’est cet aspect-là qu’il faut regarder de très près.

Touteleurope : La Commission européenne aurait-elle pu jouer un autre rôle ?

Pervenche Berès : La Commission européenne aurait du être plus combative et exercer plus son droit d’initiative. Je sais bien qu’il y a un certain nombre d’Etats au sein du Conseil qui ne voulaient pas en entendre parler. Qui considéraient que les Grecs devaient sentir la douleur des marchés. Ce n’est pas le rôle de la Commission européenne de partager ou de prendre en compte à ce point les arguments de tel ou tel Etat.

Je m’étonne qu’il n’y ait pas eu un débat plus animé au sein du Conseil sur la question de venir en aide à la Grèce. Je connais l’argument qu’il n’est pas bon de montrer des divisions. Si vous menez un débat public dessus, il y a des risques que le marché les interprète comme des signes d’inquiétudes. De toute façon, le marché était inquiet et il eut mieux valu accélérer le débat et avoir le courage de le mener de manière plus radicale que d’attendre 3 mois.

Touteleurope : Comment éviter que cela recommence ?

Pervenche Berès : Si on ne stoppe pas les causes de la crise, cela ne sert à rien. Ces causes sont liées au fait que la gouvernance de la zone euro est inachevée. Le pacte de stabilité est daté, car élaboré à un moment où les questions de l’action publique et de l’emploi n’étaient pas dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui.

Il était important de toutes les façons de mettre en oeuvre l’article 122 du Traité de Lisbonne.

Jusqu’à présent, on n’a fait que définir une « discipline » budgétaire commune. Je voudrais qu’on définisse une « stratégie » budgétaire commune. Cela voudrait dire définir un diagnostic partagé et une identité de ce que doivent être les politiques économiques menées par les différents Etats membres pour que la zone euro fonctionne bien.

Il est nécessaire aussi de combattre l’aggravation des divergences de compétitivité qu’on a observées au cours des 6 derniers mois. Ce qui s’est passé en Grèce, c’est la démonstration du caractère non durable des divergences de compétitivité qu’on avait clairement identifiées avant que tout le monde ne se préoccupe plus que d’une seule chose, de Leman’s brother.

Une fois qu’on a élaboré cette stratégie commune, dans l’évaluation des situations des différents Etats membres, et c’est là où la question du pacte de stabilité intervient, il faut aussi regarder des critères qu’on a très mal regardés jusqu’à présent comme la création d’emploi (notamment vis-à-vis des jeunes).

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