Grégoire Favet : Pervenche Berès, eurodéputée socialiste, Présidente de la commission de l’Emploi et des Affaires sociales, rapportrice de la commission spéciale sur la Crise économique, financière et sociale, et membre suppléante de la commission des Affaires économiques et monétaires du Parlement européen. Qu’est-ce que vous attendez de cette nouvelle stratégie baptisée Europe 2020 qui s’appuie sur trois piliers, innovation et croissance verte et emploi, est-ce que nous sommes à la hauteur des défis de l’Union européenne aujourd’hui ?
Pervenche Berès:
Vous savez, il y a une vraie interrogation sur le sens des ces stratégies. Lorsque l’on regarde ce qui a été adopté en 2000, l’Union européenne avait décidé de devenir la zone la plus compétitive du monde avec le plein emploi et le respect du développement durable.
Avant même le déclanchement de la crise, nous avons bien vu que les choses étaient sans doute bien plus compliquées que cela. Je crois que nous ne pourrons pas atteindre ces objectifs si nous ne nous occupons pas de l’urgence, et l’urgence aujourd’hui est de sortir de la crise financière dans laquelle nous sommes.
Il nous faut marquer la chronologie, première étape 2007, crise des liquidités, 2008 avec Lehmann Brothers, crise de solvabilité du système bancaire, et aujourd’hui on a la question de la crise de solvabilité des Etats avec l’affaire grecque. Si nous nous fixons des objectifs en 2020, sans résoudre la question de la soutenabilité, de la solidarité de notre stratégie au sein de la zone euro, nous n’achèverons rien.
Grégoire Favet :
Cela veut dire redéfinir un pacte de stabilité beaucoup plus large que de simples contraintes budgétaires en termes de déficit par exemple.
Pervenche Berès :
Non, je pense que le bilan du pacte de stabilité est quand même terrible, bien sûr qu’il faut s’occuper de la soutenabilité des finances publiques, personne ne peut nier cette évidence. Mais le pacte de stabilité ce n’est pas le gouvernement économique et de ce point de vu là c’est vrai que je plaide coupable en tant que socialiste française. Nous avons comme un cabri sauté sur l’expression du gouvernement économique, mais nous sommes devant nos contradictions, car ne nous ne savons pas mettre en place ce qu’est un gouvernement économique.
Et le pacte stabilité n’est pas ce gouvernement économique.
Grégoire Favet :
Comment est-il possible d’inciter à la convergence sans gouvernement économique?
Pervenche Berès :
C’est toute la difficulté. Il nous faut trouver au niveau européen ceux qui ont l’autorité et la légitimité de pouvoir faire la synthèse des différentes situations des Etats membres, et de faire le bon diagnostic, et d’un commun accord décider de ce que chacun des Etats membres doit faire.
Lorsque l’on regarde la situation irlandaise et espagnole qui on eu un investissement massif et une relance très concentrée sur un marché immobilier, au départ lorsque l’on est dans un rattrapage économique c’est normal, mais il y a un moment où le cap est franchi et où il faut changer, corriger le tir. Or cela, personne en Europe n’était capable de le dire et on voit aujourd’hui les difficultés de ces pays, sans parler de la situation grecque.
Grégoire Favet :
On manque de projets mobilisateurs et pour les opinions publiques et pour les chefs d’Etat et de gouvernements, j’ai l’impression également, Pervenche Berès, qu’il y a quelque chose dans les tuyaux pour relancer une mobilisation européennes, et à inciter justement une nouvelle convergence sans créer une nouvelle structure qui serait baptisé gouvernement économique ou autre.
Pervenche Berès :
Je crois que l’idée de se lancer dans une bataille institutionnelle sur ces questions serait totalement vouée à l’échec. Je ne le propose pas.
Grégoire Favet :
Il faut que çà soit le projet qui nous incite à le faire.
Pervenche Berès :
Oui vous avez tout à fait raison, je crois que l’on risque de souffrir en Europe d’un abandon de la créativité et de notre capacité à compter sur nos propres forces. D’une certaines manières j’ai envie de nous dire soyons, un tout petit peu maoïstes, puisons en nous mêmes. Nous sommes un continent éduqué, plein d’innovation et c’est la dessus, sur ce capital là que nous devons travailler pour avoir des projets créateurs, des valeurs ajoutées. Le rôle des politiques est de veiller à ce que ces valeurs ajoutés soient utilisées et bien redistribuées, c’est à dire qu’elles soient créatrices d’emploi et de réduction des inégalités sociales.
Grégoire Favet :
Cette Europe 2020, ce programme qui va être dévoilé par la Commission européenne, l’après Lisbonne donc, la Commission européenne qui n’aura pas de pouvoir contraignant, il y aura juste un système d’avertissement et de recommandation vis-à vis des Etats membres, c’est à dire que les vraies décisions politiques c’est Herman Van Rompuy et le Conseil européen qui vont les prendre.
Pervenche Berès :
Si tel est le cas, nous n’irons pas très loin, car cela veut dire que l’on retourne dans une procédure totalement intergouvernementale.
Je regrette beaucoup qu’on ait adopté l’expression 2020, Lisbonne était une unité de lieu, maintenant on passe à une unité de temps, je ne suis pas sure que cela soit plus lisible.
Grégoire Favet :
C’est l’échéance en même temps.
Pervenche Berès :
Moi j’aurais préféré que l’on parle de stratégie de solidarité et de soutenabilité pour donner un peu de contenu à ce que nous voulons dire.
Ce qui signifie que la vraie discussion est celle qui s’ouvre l’année prochaine et je ne dis pas çà pour sauter une étape et renvoyer à demain les vrais difficultés, mais la vraie discussion est celle qui aura lieu autour des perspectives financières, en clair le budget de l’Union européenne. Il y a peu d’argent, car le budget de l’Union n’est pas grand chose, la question est de savoir comment le peu d’argent qu’on a à l’échelle européenne est utile à chacun et à tous.
Et pour cela il faut un vrai débat démocratique dans les Parlement nationaux, au Parlement européen et pas uniquement une négociation entre les chefs d’Etat et de gouvernement car à ce moment là vous aurez toujours la logique du juste retour qui est un mécanisme à détricoter la solidarité européenne et à détricoter ce qu’est la valeur ajouté de l’Union.
Grégoire Favet :
Bon vous n’êtes pas très optimiste sur ce programme Europe 2020 si on veut résumer.
Pervenche Berès :
C’est n’est pas cela qui tout seul va nous sauver de la question grecque et de la question du budget de l’Union européenne, qui sont le nerf de la guerre.