La Tribune
Vendredi 2 Décembre 2011
Le diable institutionnel est ressorti de la boîte européenne. C’est probablement le prix à payer pour inventer ce « gouvernement économique », après lequel les Européens courent. Mais alors que Berlin et Paris parlent d’une réforme du traité, Bruxelles penche plutôt pour faire évoluer les institutions existantes.
Aux yeux de Pervenche Berès, l’urgence n’est certainement pas de se lancer dans un grand soir institutionnel mais plutôt d’« asseoir la légitimité démocratique » des recommandations et décisions de la Commission pourtant généralement très éloignées politiquement des positions socialistes. L’eurodéputée socialiste, dont le rapport sur le « semestre européen », cette nouvelle procédure qui organise la surveillance préalable des budgets nationaux par Bruxelles, a été voté jeudi, demande davantage de pouvoir pour le Parlement européen. « Nous demandons à être codécideur », explique-t-elle.Peut-on ne soumettre qu’au Parlement européen des décisions qui auront un impact immédiat sur les budgets nationaux et qui pourraient même à terme porter sur des émissions de dettes communes ? La Cour constitutionnelle allemande a déjà répondu « non » au motif que cela violait la souveraineté du Bundestag et que le Parlement européen ne répondait pas au standard démocratique : un homme, une voix. Les idées de « cocus » euronationaux fleurissent. Le président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, a proposé de réunir une conférence des présidents de Parlement. L’eurodéputée socialiste plaide pour un « grand exercice » en février qui associe Parlement européen et Parlements nationaux, ce qui la rapproche des propositions de l’UMP Alain Lamassoure.En admettant que la légitimation parlementaire du contrôle économique et budgétaire soit réglée, peut-on vraiment avancer sur le terrain d’une politique économique commune à traité constant ? Pour Pervenche Berès, « le traité existant permet de tout faire, sauf ce qui relève de l’institutionnel », dit-elle. Les Verts défendent par exemple l’idée d’un « Schengen fiscal », possible dans le cadre actuel. La fiscalité « est un des points de blocage qui, si on le faisait sauter, permettrait de faire peser la charge de l’ajustement budgétaire sur les facteurs économiques mobiles qui font aujourd’hui leur miel de la concurrence fiscale », explique l’eurodéputé Pascal Canfin.EurogouvernementÀ la question de savoir si la Commission a les moyens de s’ériger en eurogouvernement, son président José Manuel Barroso répond : « Qui d’autre ? » Philippe Maystadt, qui quittera à la fin de l’année la présidence de la Banque européenne d’investissement (BEI), penche pour une autre option. « En l’état actuel, même si je n’en suis pas heureux comme fédéraliste européen, l’instance la plus légitime aux yeux des opinions publiques est le Conseil des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro. » Mais à « trois conditions pour éviter le piège de l’intergouvernementalisme pur » : « l’abandon de la règle de l’unanimité », une sorte de « ministère » qui pourrait réunir une partie de la direction générale des affaires économiques et monétaires de la Commission et des fonctionnaires nationaux, et enfin « l’implication des parlementaires ».Florence Autret, à Bruxelles