« Pour l’Union européenne, le chômage n’est pas une priorité »

JDD.FR

samedi 11 août 2012

INTERVIEW – Pervenche Berès, présidente de la commission emploi et affaires sociales du Parlement européen, députée européenne PS.

Pervenche Bérès

Pour l’eurodéputée Pervenche Bérès, la lutte contre le chômage est « une variable d’ajustement » pour l’UE. (Maxpppp)

L’Europe a-t-elle pris la mesure du problème du chômage?
Non! Le consensus existe au sein de l’Union autour de la lutte contre le déficit, mais combattre le chômage n’est pas considéré comme une priorité. Juste une variable d’ajustement ou un dommage collatéral de la crise financière. Pourtant, on voit ce qui se passe en Espagne. Le pays a accepté de se plier aux règles du pacte de stabilité. Il a mis en place des mesures de rigueur très dures. Mais il n’arrive pas à sortir la tête de l’eau ni à régler son problème de chômage.

Comment en est-on arrivé là?
La priorité a été donnée à des taux d’intérêt bas. Aucune contrepartie en termes d’emploi n’a été imposée. L’argent a été utilisé pour des opérations financières, du carry trade. On a laissé l’économie se financiariser aux dépens de l’emploi. La fracture s’est aggravée en 2007 avec la crise et depuis, on bricole. Pourtant, on a compris où était le mal.

«Si on ne change pas de raisonnement économique, rien ne va bouger. La gauche s’est fait piéger depuis longtemps» Comment expliquez-vous les différences de taux de chômage à l’intérieur même de l’Union?
Les taux de chômage les plus importants se retrouvent à la périphérie de l’Europe et ils explosent dans l’ultrapériphérie. Depuis la révolution industrielle, l’outil européen n’a cessé de se concentrer autour du bassin rhénan. C’est aussi là que s’est concentrée la valeur ajoutée. On constate aujourd’hui que les pays qui se retrouvent avec le plus de problèmes sont loin de ce centre de gravité. C’est le cas de la Grèce, de l’Espagne comme de l’Irlande. On a bien vu les efforts consentis par les Irlandais pour attirer les investisseurs avec une fiscalité attractive, mais ça n’a pas réussi et le pays a dérapé.

Que peut faire l’Europe?
Un dossier très difficile est justement en ce moment sur la table européenne. Il concerne le renouvellement du fonds européen d’ajustement à la mondialisation, un superfonds social européen. Sa philosophie est remise en cause par certains États. Plusieurs pays contributeurs veulent même le ratiboiser. C’est pourtant, à l’origine, un outil au service des travailleurs. Il vient s’ajouter aux mesures légales déjà prises dans les pays en cas de gros plan social pour accélérer le retour à l’emploi des salariés. Ce n’est pas en période de crise terrible qu’il faut supprimer un outil d’intervention utile et important.

La croissance semble pourtant revenir dans le débat…
Un plaidoyer pour la croissance ne va pas suffire. Si on ne change pas de raisonnement économique, rien ne va bouger. La gauche s’est fait piéger depuis longtemps. On sait que les capitalistes militent pour un accès facile à l’argent. Mais les investissements qui vont être poussés au titre de la croissance ne vont pas forcément aboutir à des créations d’emploi. Il faut poser la question de la nature de ces investissements et s’ils correspondent à des emplois durables et décents.

Sylvie Andreau – Le Journal du Dimanche

Pour lire l’article