Fonds européen d’ajustement à la mondialisation : stop ou encore !

16 Octobre 2012

Par Cédric Leterme

Metis Europe

Lancé en 2007, le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM) devait « concilier les avantages globaux de la libéralisation des échanges à long terme (…) avec les effets négatifs potentiels de la mondialisation à court terme, en particulier sur l’emploi des travailleurs les plus vulnérables et les moins qualifiés ». Alors que le règlement du fonds doit être entièrement revu d’ici au 31 décembre 2013, l’heure est au bilan.

 

À l’inverse des fonds structurels tels que le Fonds social européen, le FEM constitue une réponse d’urgence apportée à des situations de crise induites par la mondialisation. Celles-ci sont définies comme des « modifications majeures de la structure du commerce mondial conduisant à des perturbations économiques graves dans un pays de l’UE ». Concrètement, cela concerne par exemple les délocalisations ou encore les pertes soudaines de part de marché dans un secteur clé. En 2009, le FEM a également étendu ses critères d’intervention aux conséquences liées à la crise économique et financière.
Pour bénéficier de l’aide du fonds, les États qui en font la demande doivent prouver que ces perturbations ont entrainé le licenciement d’au moins 500 personnes, soit au sein d’une entreprise, soit dans une région (ou deux contigües) de l’UE. Le FEM peut alors cofinancer jusqu’à 50% (voir 65% depuis l’adoption du cadre temporaire) des mesures telles que des aides à la recherche d’emploi, le recyclage sur mesure, la valorisation de l’entreprenariat, l’aide à l’emploi indépendant ou encore des compléments de revenus d’activités spéciaux à caractère temporaire.
Une majorité d’aides « dérogatoires »

Entre janvier 2007 et décembre 2011, 97 demandes d’aides ont été reçues pour un total de 415 millions d’euros. On est donc loin du budget fixé à 500 millions d’euros par an. Toutefois, l’utilisation du fonds est en hausse constante, surtout depuis l’adoption en 2009 de la dérogation de crise. 66 des 97 demandes reçues relèvent en effet de cette dérogation! Or, la proposition de la Commission d’étendre ce cadre temporaire au-delà de sa date limite du 31 décembre 2011 s’est heurtée à une minorité de blocage au Conseil…
Sur ces 97 demandes reçues entre 2007 et 2011, 78 concernaient des travailleurs des industries manufacturières. 89 000 travailleurs ont ainsi été aidés au cours de cette période, dont près d’un tiers travaillaient dans les seuls secteurs de l’automobile et du textile.

Selon l’évaluation à mi-parcours réalisée par la Commission en 2011, 42% des travailleurs bénéficiaires de l’aide du fonds avaient trouvé un emploi après 12 mois d’intervention. Ces résultats sont toutefois à nuancer puisqu’ils ne portent que sur un nombre réduit d’interventions (15 sur 97) et ils ne disent rien de la qualité des emplois retrouvés. La Commission attend de recevoir d’avantage de rapports finaux de la part des États concernés pour pouvoir procéder à de meilleures évaluations.
Quel après-2013?

Pour autant, cela ne l’empêche pas de proposer dès maintenant la prolongation du FEM pour la période de programmation suivante (2014-2020). Avec des modifications qui ne font pas toujours l’unanimité. Parmi les propositions les plus controversées, celle d’inclure l’agriculture dans les secteurs susceptibles d’être aidés par le fonds.

Pour Pervenche Berés, députée européenne et présidente de la Commission Emploi et Affaires sociales au Parlement européen, il s’agirait en effet d’une façon de contourner le débat sur la PAC et de se dédouaner à peu de frais des conséquences du libre-échange sur l’agriculture européenne.
Ce dernier reproche pourrait d’ailleurs être étendu au fonctionnement actuel du fond, mais ici la députée européenne se veut plus nuancée. « Évidemment, j’aurais préféré qu’on ait pas à mettre en place un tel fond et qu’on se base plutôt sur un juste échange et une politique industrielle qui permette de recycler. Mais il existe une réalité d’adaptation des secteurs, même indépendamment de la mondialisation, dont il faut pouvoir tenir compte ».

À condition de revoir les missions du FEM? « Quand on voit que la plupart des interventions du fonds ne relèvent pas de ses objectifs initiaux, on peut effectivement se demander s’il n’est pas mal nommé. Personnellement, je souhaiterais qu’on s’en serve plutôt pour accompagner les restructurations de manière plus globale, plus dynamique, dans une optique de réinvestissement. Par exemple il pourrait permettre aux travailleurs de reprendre leur entreprise en la transformant en coopérative. »
Gageons que ce type de propositions saura susciter le débat, à côté du consensus qui semble se dessiner autour de la nécessité de pérenniser le FEM. Les autres propositions de la Commission incluent par ailleurs de doter le FEM d’un budget plus conséquent (2 à 3 milliards d’euros au lieu des 500 millions actuels) ou encore de permettre aux indépendants d’en bénéficier. L’UE a jusqu’au 31 décembre 2013 pour se décider.