Trois questions à Pervenche Berès
Pervenche Berès aborde dans cet entretien le budget européen et le FSE, le statut européen des mutuelles et les avancées européennes sur l’entrepreneuriat social.
Le prochain budget européen 2014-2020 risque de connaître des coupes conséquentes. Est-ce un mauvais présage pour la cohésion sociale et notamment pour les fonds structurels et tout particulièrement pour le FSE ?
La programmation financière pluriannuelle 2014-2020, repose sur des négociations qui sont en cours et qui sont très difficiles. C’est là que se définit l’équilibre entre les grandes politiques pour les sept ans à venir. La Commission européenne a fait des propositions, la Parlement aussi, ce dernier souhaitant que l’on finance un peu plus de politiques, mais le Conseil européen et notamment les Britanniques veulent qu’il y ait moins de financement, tout en voulant rester dans la négociation. C’est pour cette raison que tout est reporté à janvier. Et, tout reste donc possible. Le dossier n’est pas clos mais les esprits se focalisent autour de cette question au détriment d’autres qui auraient besoin d’un engagement fort de la part des Etats membres pour trouver de nouveaux équilibres. Il y a des enjeux très importants, certains Etats membres voudraient diminuer la part de la Politique agricole commune (PAC), d’autres insistent beaucoup sur la politique de cohésion. Selon moi, évidemment il faut maintenir l’idée que 25 % du budget de la politique de cohésion doit être consacrée au Fonds social européen (FSE) et que cette part soit sanctuarisée. Je crains que l’ensemble des politiques sociales souffre de cette discussion et au sein de la politique de cohésion, j’ai une inquiétude particulière pour la politique concernant le FSE.
Vous suivez particulièrement le projet de statut de mutuelles européennes. Comment se fait-il que ce sujet n’avance pas depuis de nombreuses années ? Que pensez-vous du rapport de la Commission qui vient de sortir ?
Je pense que les mutuelles ont intérêt à avoir un statut européen pour plusieurs raisons. Premièrement, la Commission européenne tiendrait davantage compte de la spécificité des mutuelles, quand elle élabore des législations, si elles avaient ce statut. La législation est d’abord pensée pour les entreprises cotées. Il est donc ensuite difficile, pour les mutuelles, d’entrer, en tant qu’exception, dans le périmètre de la proposition initiale de la législation communautaire et de remonter la pente. S’il y avait un statut européen, la Commission européenne serait davantage obligée de tenir compte de ce statut alternatif à celui des entreprises cotées (qui ont un statut européen NDLR). La deuxième raison est que le modèle statutaire d’une mutuelle a toute sa place dans la situation de post crise que nous connaissons. Il faudrait faciliter leur développement. Troisièmement, on a besoin de ces statuts pour favoriser l’activité transfrontière des mutuelles. Ce n’est pas une obligation, mais lorsque l’on est dans une logique de marché intérieur, le village gaulois ne fonctionne pas très bien. Si les mutuelles veulent se développer à l’étranger, tout en gardant leur valeur, il faut qu’elles aient un statut européen.
C’est pourquoi, j’adresse deux messages aux mutuelles, qui doivent être dans l’excellence, dès lors qu’on plaide en faveur du modèle mutualiste. Je les invite à être très vigilantes sur leur gouvernance qui constitue un élément clé de leur identité. Deuxièmement, on n’arrivera pas à créer un modèle européen, si les mutuelles ne veulent renoncer à rien de leur diversité. Il faut accepter qu’un statut européen est un cadre général qui ne peut pas tenir compte de la multitude des schémas possibles. Le statut européen bute sur les conditions de fusion, de regroupement et de désignation des organes dirigeants.
J’aimerais vraiment que l’on ait un modèle alternatif à l’entreprise capitaliste traditionnelle. Benoît Hamon, ministre délégué à l’ESS, est convaincu de la nécessité d’un statut européen. Et, le Commissaire au Marché intérieur, Michel Barnier a compris qu’il y avait là un vrai sujet. L’étude que la Commission européenne vient de publier sur les mutuelles est moins allante que celle qui avait été faite par le Parlement européen sur le rôle des mutuelles en Europe2. Si l’étude de la Commission européenne pose bien la question de l’accès au capital, la question du statut, n’est, à nouveau, pas la question première. La commission de l’Emploi et Affaires sociales du Parlement européen s’est prononcée, le 6 décembre, en faveur de ce statut.
La Commission européenne a beaucoup avancé pour soutenir les entreprises sociales. Qu’en pensez-vous ?
La commission de l’Emploi et Affaires sociales a présenté un avis à ce sujet. Le Commissaire Michel Barnier est convaincu de la nécessité de cette dimension européenne pour entreprises sociales. Le risque que je vois est que l’on va créer une niche avec un effet de réputation. Or, il y a une confusion entre la forme de l’entreprise et son objet, il y a un problème sur la définition du périmètre de l’entreprise sociale. On peut être une mutuelle ou une coopérative, mais il faut aussi se poser la question de la finalité de l’activité.