Intervention de Pervenche Berès,
Présidente de la commission de l’emploi et des affaires sociales du parlement européen
Conférence de la présidence belge
« La coordination européenne des politiques sociales
dans le contexte de la stratégie UE 2020″
15 septembre 2010
Madame la Vice-première Ministre,
Monsieur le Directeur,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi de remercier la présidence belge et en particulier Mme Laurette Onkelinx, Vice-première ministre et ministre des affaires sociales et de la santé publique pour l’organisation de cette conférence qui intervient à un moment particulièrement bien choisi, et pour y avoir largement associé le Parlement européen et sa commission de l’emploi et des affaires sociales.
Je tiens également à saluer l’esprit dans lequel la présidence belge a abordé les discussions autour des lignes directrices intégrées avec le Parlement européen. Après l’adoption du rapport Öry en plénière nous espérons maintenant que l’EPSCO reprendra certains des amendements du Parlement européen, et en premier lieu un amendement sur la gouvernance. Donner toute sa place au Parlement sur ces sujets me semble constituer un premier pas vers une bonne gouvernance de la nouvelle stratégie UE 2020.
Si le calendrier de cette conférence était bien choisi pour contribuer aux conclusions du prochain Conseil européen en veillant à ce qu’il comporte un volet social et pour établir des principes de bonne gouvernance avant le lancement du premier cycle des nouvelles lignes directrices intégrées et des plans nationaux de réforme, personne n’aurait imaginé qu’elle interviendrait dans un contexte où le groupe de travail présidé par M. Van Rompuy peine à s’entendre sur un certain nombre de sujets.
Cette situation nous offre une fenêtre d’opportunité pour rééquilibrer un processus qui risque de donner les plein pouvoirs aux seuls ministres de l’économie et des finances pour juger des mesures en faveur de l’emploi, de la protection sociale et de toute politique sociale.
La commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen salue les efforts déployés par la présidence belge pour que gouvernance économique ne rime pas avec règne des logiques comptables. Nous avons, dans le cadre de l’avis de notre collègue David Casa, formulé des propositions pour mettre le Conseil EPSCO sur un pied d’égalité avec l’ECOFIN, pour que le futur cadre de surveillance des politiques économiques des Etats membres soit basé sur les articles 121 ET 148 du traité et que le tableau de bord définissant les objets de cette surveillance comporte également des objectifs en termes d’emploi, notamment des jeunes, et de réduction de la pauvreté.
Permettez-moi cependant à ce stade d’exprimer un regret, celui que la Commission ait renoncé, lors de l’élaboration de la stratégie UE 2020, à tirer tous les enseignements de la crise que nous traversons et de l’échec de la stratégie de Lisbonne. Le Parlement européen s’est exprimé à plusieurs reprises en faveur d’un renforcement de la méthode ouverte de coordination (MOC) afin d’en faire un réel outil de convergence en matière de politique sociale et pas simplement de coordination des objectifs. Force est de constater qu’il n’y a guère de progrès dans ce domaine. Le second regret, c’est que la Commission n’ait pas basé sa nouvelle stratégie de développement sur des indicateurs alternatifs. Ceci aurait permis d’assurer un meilleur équilibre entre les objectifs à court terme du pacte de stabilité et les objectifs à moyen terme d’emploi, d’éducation et de formation, de santé, de réduction de la pauvreté et de lutte contre l’exclusion.
L’usage d’indicateurs pertinents et surtout comparables d’un pays à l’autre est un facteur essentiel d’une meilleure coordination des politiques sociales d’une part, et de la prise en compte des objectifs sociaux dans la politique économique d’autre part.
Rappelons la stratégie UE 2020 a été pensée en comité restreint, avant l’investiture du nouveau collègue et avec une procédure de consultation peu satisfaisante. Je fais cependant pleinement confiance au Commissaire Andor pour être ambitieux et inclusif dans la mise en œuvre concrète de cette stratégie à travers les initiatives phares qui relèvent de sa compétence. Nous attendons avec impatience ses propositions sur la « plateforme pauvreté » qui pourrait servir de levier afin de faire avancer un certain nombre de chantiers que le Parlement européen juge essentiels, tels que celui du revenu minimum, des indicateurs, d’un cadre protecteur pour les services sociaux d’intérêt général….
Pour le Parlement européen, une meilleure cohérence et coordination au service des objectifs de la politique sociale passent également par une meilleure articulation entre les instruments budgétaires dont nous disposons et ces objectifs. Les instruments d’intervention directe de l’Union européenne sont trop rares pour être dispersés, pour ne pas dire gaspillés.
Le Parlement européen est dès à présent mobilisé pour que les négociations sur les futures perspectives financières et la révision des fonds de cohésion -et en premier lieu du Fond social européen – servent réellement nos objectifs et ne soient pas des variables d’ajustement d’un donnant-donnant entre Etats membres en quête du maintien d’une logique du « juste retour ».
En l’absence de « hard law » et d’opérationnalité directe il nous appartient, en tant que législateur, d’inventer les alliances et les modes de coopération avec les partenaires sociaux, les ONGs et les autorités locales qui permettront au mieux de servir l’intérêt général.
La nouvelle clause sociale horizontale contenue à l’article 9 du traité de Lisbonne doit nous servir de levier. Pas simplement pour évaluer de manière défensive et protectrice les effets potentiellement négatifs de toute nouvelle proposition de la Commission sur notre modèle social. Il faut que cette clause prenne une dimension plus proactive et positive en permettant d’adjoindre des critères sociaux à ces propositions.
Je vous remercie et souhaite de bons travaux à la présidence belge.